mercredi 16 avril 2014


Les bateaux de Benoit

La mer, tu fus une eau cruelle qui engloutit dans tes abysses tous les vaisseaux partis pour des courses lointaines. Enseignes du Pount, peuples hardis de la mer, Vikings blonds aux cris rageurs, Ulysse ou Enée en mal de terre de retour ou d’élection, caravelles avides d’Eldorado, fiers paquebots transatlantiques, croiseurs ou destroyers, vous partîtes par le fond dans des gouffres amers. Ce soir, 15 avril 2014 à 19h30 en l’atelier de Benoit, est jour de Jugement dernier. Tous les bateaux baptisés ou non font retour de l’enfer liquide où nous les croyions abîmés à tout jamais, qui des Bermudes effrayantes, qui de Charybde et Scylla, qui des caps rugissants, ils cinglent vers nous en un ahurissant et lugubre cortège. Silhouettes métaphoriques de bâtiments sans nom, nous ne savons si une mer conceptuelle vous porte tous indifféremment comme une vague, bouchons captifs ou vaisseaux fendant l’étrave vers le port du dernier jugement sans appel. Quatre murs de l’atelier suffisent à peine pour vous contenir tous qui faites route vers notre présent avec vos fantômes à la proue sur une mer d’huile. Vous nous revenez de mémoire en frémissants à-plats de noir et de rouge crus dans d’effarantes vibrations bleue nuit, ocre et grisâtre. Cotres ou nefs d’aventure  de fort ou de moyen tirant d’eau, votre ligne de flottaison blême ne sait plus départir de ce qui est votre image liquide ou votre structure réelle. Nous vous attendions de toute éternité, et vous semblerez accoster à notre continent des certitudes de surface, nous sommes là avec nos corps et nos affects ! Nous aurons ainsi aux lèvres la question « Où allez-vous? »,  plutôt que « D’où venez-vous? » Mais en ces terres nouvelles, nous ne formulerons pas les « Cela va sans dire !»