Mardi 24 novembre 2014
Croisement par un narrateur entre
une personne en terrasse qui lit et la lettre qui lui a été adressée. Lui
est sur la terrasse à lire la lettre de son aimée qui lui donne l’illusion
de sa présence à ses côtés ; lui voudrait s’attarder sur cette terrasse
mais, aux termes de sa lettre, elle veut rentrer au foyer, d’ailleurs elle est d’un bon conseil car il
voit tout en rouge, rouge de sang comme une prémonition du drame sanglant qui
va s’abattre en ce lieu où ils ne seront plus au moment fatal.
Nous devons vivre chaque jour
comme si c’était le dernier et puis au dernier jour cela se vérifie. Gorgé de
torpeur dans la touffeur inquiétante de novembre, il se dirige en automate vers
un jus de tomate aux aromates, à la terrasse de la "Dernière chance". Puis, vient
son espérance (1) en robe d’indienne, elle a mis le feu à sa mémoire et il
sombre dans l’oubli des bras tendus de son amour. L’air est pur et le ciel
translucide, il fait un temps à ne pas mourir, un temps contre-nature qui met
même du printemps incongru aux sculptures, d’où s’élance un rossignol poussant son si
bémol. Le spectacle est dans la ville où l’onde de tiédeur porte les émotions
bien mieux que les salves électriques d’un groupe de « Hard Metal» et son
concert délirant dans un sous-sol aux fauteuils rouges d’un gala parisien. Lui
est empressé et, au fil des mots de la lettre lentement déchiffrée, il accroche de mémoire un
coquelicot rouge sang au corsage décolleté d'elle ou prend, de ses dents, le bleuet
sur la bouche de sa dulcinée, mais sans jamais penser que la belle puisse
s’envoler et le laisser seul à friper la rose non offerte, afin de remplir son
temps d’attente et de solitude, qui lui mettrait des plis d’amertume aux commissures
des lèvres. Elle, l’épistolaire, elle ploie sous le poids du sommeil et
troquerait bien la terrasse pour la chaleur du nid qui potentialiserait leurs
énergies réunies de leurs deux corps resserrés ! Lui, il voit tout de la
couleur du sang, le soleil qui se noie dans son sang qui se fige, le rubis du
jus de tomate comme un sang caillé, le rouge aux lèvres et aux doigts de son
espérance et, enfin ce sang rouge qu’il devine palpiter à leurs tempes
battantes. Mais il ne peut s’arracher à la scène des pigeons qui chipent des
miettes à la barbe des consommateurs, non plus au garçon de café qui virevolte entre
les tables en portant haut le plateau de verres de grenadine rouge, de ses mille bras de
déesse Shiva de terrasse. On dirait que les gens ont brûlé leur maison et ne
veulent plus rentrer, mais les roses rouges sentent bon dans le bon soir d’un vendredi 13 novembre d’une douceur suspecte!
Elle, elle veut rentrer et confondre toutes les croisées des chemins, toute vibrante
de vie et, au tréfonds, en prise avec le pressentiment
d’une vraie mort plutôt que la petite mort qui engage la vie des humbles,
déployant leurs sentiments et l'essor de leurs corps étonnés dans le petit lit du logis d'un moment, qui abrite pourtant leur
force au revers de la modestie apparente.
Ils rejoignent le doux foyer et
avant d’engager la clé, trois coups sont frappés à la porte par le hasard
comme des dés roulant sur le damier de la vie. Oui, le destin mortel et inouï a
fait sa ronde en ces terrasses qu’ils viennent de quitter, mais ils n’étaient plus
là ; il faisait un temps à ne pas mourir, il faisait beau comme jamais !
(1) Du moins par sa lettre qu’il décachète et lit.