mercredi 25 novembre 2015



Mardi 24 novembre 2014 

 Croisement par un narrateur entre une personne en terrasse qui lit et la lettre qui lui a été adressée. Lui est sur la terrasse à lire la lettre de son aimée qui lui donne l’illusion de sa présence à ses côtés ; lui voudrait s’attarder sur cette terrasse mais, aux termes de sa lettre, elle veut rentrer au foyer, d’ailleurs elle est d’un bon conseil car il voit tout en rouge, rouge de sang comme une prémonition du drame sanglant qui va s’abattre en ce lieu où ils ne seront plus au moment fatal.


Nous devons vivre chaque jour comme si c’était le dernier et puis au dernier jour cela se vérifie. Gorgé de torpeur dans la touffeur inquiétante de novembre, il se dirige en automate vers un jus de tomate aux aromates, à la terrasse de la "Dernière chance". Puis, vient son espérance (1) en robe d’indienne, elle a mis le feu à sa mémoire et il sombre dans l’oubli des bras tendus de son amour. L’air est pur et le ciel translucide, il fait un temps à ne pas mourir, un temps contre-nature qui met même du printemps incongru  aux sculptures, d’où s’élance un rossignol poussant son si bémol. Le spectacle est dans la ville où l’onde de tiédeur porte les émotions bien mieux que les salves électriques d’un groupe de « Hard Metal» et son concert délirant dans un sous-sol aux fauteuils rouges d’un gala parisien. Lui est empressé et, au fil des mots de la lettre lentement déchiffrée, il accroche de mémoire un coquelicot rouge sang au corsage décolleté d'elle ou prend, de ses dents, le bleuet sur la bouche de sa dulcinée, mais sans jamais penser que la belle puisse s’envoler et le laisser seul à friper la rose non offerte, afin de remplir son temps d’attente et de solitude, qui lui mettrait des plis d’amertume aux commissures des lèvres. Elle, l’épistolaire, elle ploie sous le poids du sommeil et troquerait bien la terrasse pour la chaleur du nid qui potentialiserait leurs énergies réunies de leurs deux corps resserrés ! Lui, il voit tout de la couleur du sang, le soleil qui se noie dans son sang qui se fige, le rubis du jus de tomate comme un sang caillé, le rouge aux lèvres et aux doigts de son espérance et, enfin ce sang rouge qu’il devine palpiter à leurs tempes battantes. Mais il ne peut s’arracher à la scène des pigeons qui chipent des miettes à la barbe des consommateurs, non plus au garçon de café qui virevolte entre les tables en portant haut le plateau de verres de grenadine rouge, de ses mille bras de déesse Shiva de terrasse. On dirait que les gens ont brûlé leur maison et ne veulent plus rentrer, mais les roses rouges sentent bon dans le bon soir d’un  vendredi 13 novembre d’une douceur suspecte! Elle, elle veut rentrer et confondre toutes les croisées des chemins, toute vibrante de vie et, au tréfonds, en prise avec le pressentiment  d’une vraie mort plutôt que la petite mort qui engage la vie des humbles, déployant leurs sentiments et l'essor de leurs corps étonnés dans le petit lit du logis d'un moment, qui abrite pourtant leur force au revers de la modestie apparente.


Ils rejoignent le doux foyer et avant d’engager la clé, trois coups sont frappés à la porte par le hasard comme des dés roulant sur le damier de la vie. Oui, le destin mortel et inouï a fait sa ronde en ces terrasses qu’ils viennent de quitter, mais ils n’étaient plus là ; il faisait un temps à ne pas mourir, il faisait beau comme jamais !


(1)          Du moins par sa lettre qu’il décachète et lit.