samedi 29 décembre 2012

Sur cinéma à New York

Sur cinéma à New York



Si quelqu’un s’était avisé de demander à Dora le soir de son vingt-cinquième anniversaire de choisir un mot pour qualifier sa vie, celle-ci aurait répondu sans hésiter « achevée ».
Mais aucun des abonnés auquel Dora indiquait sa place et déchirait son billet n’aurait pensé à lui poser une telle question. Bien sûr, l’un ou l’autre de ces messieurs, regard balayant silhouette et formes, arrêt marqué aux fesses et à la poitrine, discrets car au bras de Madame, avait bien remarqué sa beauté. Une beauté déplacée dans cet uniforme ajusté et juchée sur talons, se fondant pourtant si rapidement dans l’obscurité de la salle de spectacle.

Si quelqu’un s’était avisé de regarder Dora au plus fort de la pièce, il aurait remarqué cette femme perdue dans ses pensées, et la mélancolie de ses traits.
Dans le joyeux tintamarre des sorties de théâtre, parfois un de ces messieurs revenait, Madame déposée, certains plusieurs soirs, et l’emmenait boire un verre, ou deux, et chaque jour plus encore. Chaque jour plus encore pour supporter leurs corps, leurs ventres et leur bonne conscience. Et supporter cette attente, ces heures où d’autres qu’elle sont éclairées de mille feux sur scène, d’autres qui sont venues comme elle de leurs villes de province, d’autres qui ont réussi pour quelques minutes ou quelques heures à échapper à leur destin.
Alors Johnny ou Oscar, ce soir, après tout, quelle importance.

                                                                                     Isabelle and co

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