vendredi 29 mai 2015

Où l’on doit s’intéresser aux parties du corps que ne dérobe pas le maillot de bain…

Où l’on doit s’intéresser aux parties du corps que ne dérobe pas le maillot de bain, et commandent le soin de l’onction  de l’huile qui coule sur lui comme glisse le temps des horloges molles de Salvador Dali. Un genre d’ode à l’huile solaire !
 L’été est intolérable, il ouvre sur l’abîme, il promet des lointains et des ailleurs quand je préfère l’ « ici » le plus beau des palindromes qui soit. Comment aller dans l’été si souvent désiré et nommé que je ne peux pas  y voir plus de réalité que dans une  légende !
Je veux être, pour un mois, mon propre régisseur et imaginer ma vie comme mon spectacle, quand délivré du labeur, je vais prendre le temps de penser à moi et de jouer, en acteur-titre, les scènes d’un acte majeur. Enfin, ne plus être surmené et cingler vers la liberté, quand ironie du paradoxe, mon propre temps a changé de valeur, et soudain il m’apparaît morne, insensé parce que j’en dispose ! Pour ma sérénité, voilà que je n’aspire plus qu’au retour rapide de ce temps mesuré, contraint, ce temps de la société du spectacle et du travail où je ne monte même pas sur la scène.
L’été. O saison dangereuse toute auréolée de ton prestige de temps qu’il fait plus que de temps qui passe, prodigue en tes cadeaux et tes promesses de l’espoir de me faire comprendre une attente, une attente semblable à celle de millions de migrateurs qui n’est que le miroir de la mienne. 
Un prurit migratoire déchire ma peau qui appelle le soleil pour la         tanner comme celle d’un païen taraudé  par une espèce de plaisir sauvage qui serait indemne de tout christianisme.
Je veux être oint de cette huile qui déperlera sur mon front puis versera des deux bords sur mon torse et mon dos, en vaguelettes lourdes.
Ah ! Ma peau, quand l’âge me devient un préjudice, moi, qui traîne tant d’années prises au temps comme un douloureux cortège ! Pourtant, je crois avancer vers ma destinée et je me fane sur mes épreuves et mes échecs. Je suis de la cohorte de ceux qui ont parfois le souci de leur bonheur plus que les qualités pour le faire.
Je veux cette huile de vacance qui suintera en filets ténus dans les rouages du temps objectif qui entraîne dans ses cardans mon temps conscient, bien piètre psychologie !
Cela me préserve de la fureur du ressentiment et de la blessure qui s’ouvre comme une brèche face au temps qui passe, entre ce que j’aurais voulu de l’été et ce qu’il m’a octroyé. Mon élan initial est rapidement doublé d’une lassitude douloureuse, profonde, irrémédiable, qui mange la lueur résiduelle dans mon regard éloigné.  L’été s’achève et me laisse avec mes fantômes d’épouvante qui m’encerclent à la fin de l’aventure.
Vanité du temps cyclique qu’aucune burette d’aucune huile ne viendra adoucir ! Rien qui jouera le grain de sable dans la fuite éperdue des jours. Tiens ! Un peu de la plage est resté collé au col du flacon d’huile que je range à l’automne venue. Voilà que j’apprends à regretter, voici que vient la nostalgie qui voit grossir  le chagrin comme un fleuve en crue.
Le temps qu’il a fait a laissé le temps qui a passé et emporté ma jeunesse et quelqu’un de mes proches ; me restera le souvenir de toute la jalousie nécessaire qu’il nous fallut au partage secret d’une tendresse qui nous a comblés et tracée comme un sillon dans l’histoire.

Gérard Chabane, le 26 mai 2015

 

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