samedi 27 juin 2015

LE BONNET DE BAIN

Dans ce petit village pas plus grand qu’un bâillement, la mer est là, toute proche avec ses vagues enchantées.
Évidences d’été, évidences tranquilles et trompeuses du jour.

Dans cet été suffocant, elle quitte ses habits de terre et se coule dans son maillot de bain couvert de fleurs.
Dans une obscure extravagance, elle veut jouer avec les dauphins qu’elle croit apercevoir au loin.
Elle rassemble ses longs cheveux roux dans un bonnet de bain jaune, lui aussi, couvert de fleurs.
Elle plonge et part à grandes brassées éclaboussées d’écume dans tout ce bleu qu’on ne peut enchaîner. Elle s’exagère toujours.
Dans un éblouissement elle a disparue. On ne voit plus que les reflets du soleil sur la mer.

Un parfum de désastre rode sur la plage.
Ce n’est que le lendemain que l’on repéra le bonnet de bain à fleurs. Avec la tête, évidemment. Mais…………….. le corps avait disparu.
Avec quel monstre a-t-elle voulu jouer ?

Étrangement un air d’extase sur son visage.

Claude

jeudi 11 juin 2015

Retour de plage

La photo est en noir et blanc Elle est collée dans l'album de famille, Celui à la couverture en tissu vert bouteille.Deux adolescents, de dos avancent sur un sentier sableux
bordé de pins, Lui, est torse nu une serviette de plage nouée autour des reins Elle, porte un maillot de bain une pièce bleu marine aux motifs de grandes fleurs blanches, Ses cheveux très courts sont couverts d'un bob blanc.
L'appareil photo les a surpris de dos, au retour de la plage. Lui, regarde ses pieds Elle, fixe un point au loin.
Elle n'a plus le corps d'un enfant
Pas encore celui d'une femme,
C'est son premier maillot de bain de jeune fille
Elle s'en souvient très bien
Elle a aimé ce vêtement
Avec lui, elle changeait de statut
Photo qui scelle un passage, une transition comme un sceau.

Christine Charlois, le 26 mai 2015

Cabines de plages

Alignées sagement sur le bord de sable, elles trônent fièrement blanches. De leur œil unique, elles ont veillé, regardé, surveillé l’océan, les cabanes de plage. Allait-il réellement partir ? Reviendrait-il ? Le cycle ne se rompit pas, nos vaillantes gardiennes veillaient.
Elles étaient arrivées là, ensembles, toutes d’un coup, une véritable invasion contrôlée. Un petit parapet de pierres délimitait leur périmètre terrestre. Elles provoquèrent l’ébahissement, la joie, le plaisir. Quelques esprits chagrins « c’était mieux avant » se récrièrent, le bruit du ressac couvrit leur mécontentement. Elles vécurent tous, tous les maux, tous les plaisirs, toutes les mesquineries, toutes les effusions des humains. Les modes leurs passèrent dessus, dedans ; les maillots en coton crocheté, lourds, humides, longs, qui les rafraichissaient, les salaient ; puis le synthétique, plus aérien, plus léger, plus collant et enfin la crise du textile, des morceaux épars de tissus qui devaient bien consister un tout, mais lequel ? Les couleurs varièrent aussi, ternes, colorées, pétantes, grises, bariolées, inidentifiables. Tout changeait, progressait, transmutait. La ville s’amplifiait, l’humain surexploitait nos demoiselles, plus de saison de repos, les bateaux enflaient, l’eau montait, l’Amoco Cadiz se répandait. Leur couleur stagnait, identique de la naissance à la vie d’adulte, quelques reprises les rajeunissaient. L’océan allait et venait, les grains de sables se chahutaient. Le phare les rendait à la nuit par intermittence.
Elles lorgnaient sur l’éternité nos cabines de plage.

Éric Thouvenot, le 26 mai 2015

La montagne

Tous les cinq accrochés, ils me tournent le dos
Narquois et moqueur, ils me regardent de haut
Brillant au centre, le Hachuré lâche « toi si filiforme
Tu ne rempliras jamais toutes mes formes »
A droite, le violet, voluptueusement, soupire :
«moi ce sont des hanches généreuses que j’aime embellir »
Le vert, rouge et bleu, réplique, l’air agacé
« quand on m’ajuste, je révèle toute la féminité »
Le jaune rouge et vert murmure … juste comme ça
« tu n’oseras quand même pas ? »
Dans son coin à l’écart, le dernier murmure : « la campagne ?
Ou non … peut être cet été choisi plutôt la montagne ! »

Vanessa Garnero, le 26 mai 2015