jeudi 11 juin 2015

Cabines de plages

Alignées sagement sur le bord de sable, elles trônent fièrement blanches. De leur œil unique, elles ont veillé, regardé, surveillé l’océan, les cabanes de plage. Allait-il réellement partir ? Reviendrait-il ? Le cycle ne se rompit pas, nos vaillantes gardiennes veillaient.
Elles étaient arrivées là, ensembles, toutes d’un coup, une véritable invasion contrôlée. Un petit parapet de pierres délimitait leur périmètre terrestre. Elles provoquèrent l’ébahissement, la joie, le plaisir. Quelques esprits chagrins « c’était mieux avant » se récrièrent, le bruit du ressac couvrit leur mécontentement. Elles vécurent tous, tous les maux, tous les plaisirs, toutes les mesquineries, toutes les effusions des humains. Les modes leurs passèrent dessus, dedans ; les maillots en coton crocheté, lourds, humides, longs, qui les rafraichissaient, les salaient ; puis le synthétique, plus aérien, plus léger, plus collant et enfin la crise du textile, des morceaux épars de tissus qui devaient bien consister un tout, mais lequel ? Les couleurs varièrent aussi, ternes, colorées, pétantes, grises, bariolées, inidentifiables. Tout changeait, progressait, transmutait. La ville s’amplifiait, l’humain surexploitait nos demoiselles, plus de saison de repos, les bateaux enflaient, l’eau montait, l’Amoco Cadiz se répandait. Leur couleur stagnait, identique de la naissance à la vie d’adulte, quelques reprises les rajeunissaient. L’océan allait et venait, les grains de sables se chahutaient. Le phare les rendait à la nuit par intermittence.
Elles lorgnaient sur l’éternité nos cabines de plage.

Éric Thouvenot, le 26 mai 2015

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