Alignées
sagement sur le bord de sable, elles trônent fièrement blanches. De
leur œil unique, elles ont veillé, regardé, surveillé l’océan, les
cabanes de plage. Allait-il réellement partir ? Reviendrait-il ? Le
cycle ne se rompit pas, nos vaillantes gardiennes veillaient.
Elles
étaient arrivées là, ensembles, toutes d’un coup, une véritable
invasion contrôlée. Un petit parapet de pierres délimitait leur
périmètre terrestre. Elles provoquèrent l’ébahissement, la joie, le
plaisir. Quelques esprits chagrins « c’était mieux avant » se
récrièrent, le bruit du ressac couvrit leur mécontentement. Elles
vécurent tous, tous les maux, tous les plaisirs, toutes les
mesquineries, toutes les effusions des humains. Les modes leurs
passèrent dessus, dedans ; les maillots en coton crocheté, lourds,
humides, longs, qui les rafraichissaient, les salaient ; puis le
synthétique, plus aérien, plus léger, plus collant et enfin la crise du
textile, des morceaux épars de tissus qui devaient bien consister un
tout, mais lequel ? Les couleurs varièrent aussi, ternes, colorées,
pétantes, grises, bariolées, inidentifiables. Tout changeait,
progressait, transmutait. La ville s’amplifiait, l’humain surexploitait
nos demoiselles, plus de saison de repos, les bateaux enflaient, l’eau
montait, l’Amoco Cadiz se répandait. Leur couleur stagnait, identique de
la naissance à la vie d’adulte, quelques reprises les rajeunissaient.
L’océan allait et venait, les grains de sables se chahutaient. Le phare
les rendait à la nuit par intermittence.
Elles lorgnaient sur l’éternité nos cabines de plage.
Éric Thouvenot, le 26 mai 2015
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