samedi 18 janvier 2014

Boit-la-tasse recherche plus-léger-que-le-ciel

Ici il n'y a plus d'arbres. Mais pas encore de roches ni de glaces. Ici l'herbe est verte, elle est drue et elle fait le bonheur de ruminants transhumants. Ici par endroit ce vert s'entrouvre, le loess apparaît et l'eau suinte. Goutte à goutte d'abord puis perle à perle… un filet maintenant, un premier, un deuxième… Gange miniature, minuscule Euphrate: confluence, un ruisseau nait et se donne déjà des airs de fleuve amazonien. Entre deux pierres, un rétrécissement et tout s'accélère… un nouvel affluent et c'est l'excitation, le courant dans un sens, l'agitation est en majeur, un contre-courant, le tempo est à la turbulence… la pente se durcit, la terre se creuse, remous et son contraire, l'eau est prise au piège. Colère de celle qui tente une échappée, un touffe d'herbe cède, une motte d'argile se dissout, un caillou vacille… on croirait la tempête. De l'eau, de la boue et de pierrailles et dans cette tourmente minuscule, un galet. Blanc et pas plus grand que le creux d'une main d'enfant, un galet racle-le-fond, un galet où-est-la-surface, un galet au-secours-je-me-noie. - Au secours! - Un mot! - Un mot vite! - Mais lancez-moi un mot! - Un de ceux auquel je puisse me raccrocher, léger! flottant! aérien! - Plume? Pas assez fort! - Bulle? Bien trop fragile! - Un peu d'écume? Mais non, un mot, un de ceux qui me tiendrait là-haut, un mot qui vivrait dans le bleu du ciel, un mot juste sous le soleil… - Nuage? - Oui, nuage! Merci pour ce nuage, c'est juste ce qu'il me fallait! - Oui mais voilà… comment s'y prendre… quand on est un galet… comment s'y prendre depuis le fond de son torrent, comment s'y prendre quand on est un boit-la-tasse pour se laisser porter par un plus-léger-que-le-ciel?

Benoît DECQUE, le 14 janvier 2014

Merci à Juliette Gréco pour son "petit poisson, petit oiseau".

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