C’est un soir de jadis ténébreux et glacé
Le brouillard est visqueux plein de clartés blafardes
Qui dessinent parfois sur les murs désolés
Des cortèges muets de gueux couverts de hardes
Sur la Butte écrasée par le poids de la nuit
On devine là-bas qui attend sous un porche
La pentière* assommée de misère et d’ennui
Rêvant de se chauffer au halo d’une torche
En ce lugubre instant son cœur se décompose
Plus la moindre lueur dans son âme affligée
Ni d’infime espérance dans son esprit morose
Et plus aucun futur dans sa vie essorée
Mais soudain ses yeux noirs s’allument d’un éclat
Et dans son corps transis un frisson brûlant passe
Car très distinctement elle reconnaît là-bas
L’espoir le renouveau la fin de ses angoisses
Elle entrevoit déjà l’aloyau rissolant
Sur le lard suintant les navets et les fèves
Et les yeux éblouis de ses quatorze enfants
Qui sourient à la vue du plus beau de leurs rêves
Car quittant l’âtre chaud où sa femme geignante
Le tance d’être encor à ses charmes rétif
Vient de surgir là-bas de la brume entêtante
Un bourgeois silencieux opulent et chétif
pentière : n.f. Désignait autrefois les prostituées exerçant dans les rues en pente. Après confesse, il alla s'ébaudir chez les pentières de Montmartre, Richepin
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