mercredi 30 janvier 2013


Mardi 30 janvier 2012

Ecrire un monologue sur un rendez-vous manqué, texte à dire en duo en superposition ou tressé avec un autre texte et relatif à un voyage, un lieu découvert sans nuages pour l’assombrir.

« Attendre, attendre encore le messie ou son prophète et sa promesse, il ne vient pas, pourtant le solstice produit la révélation, la saison est propice, je veux voir l’apocalypse et sa fin des temps, le sens de la fin dernière ; je suis comme les juifs, le Christ n’est pas le messie un prophète parmi les prophètes, mon attente n’est pas comblée, le ciel n’est pas descendu sur la terre, j’attends l’image du Cosmos réfléchi sur mon sol. La vérité n’est-elle pas que dans l’attente, la quête non aboutie, c’est le chemin qui a du sens et non l’aboutissement, demandez à Parsifal ! Attendre, attendre à épuiser toutes les émotions négatives, patience menée à bout, désespoir et désarroi, je veux te donner le remords de ton manque de ponctualité quand tu me donnes la peur de mon attente vaine, l’espérance n’est qu’une souffrance ; est-il déjà venu que je ne l’ai vu ? Attendre pour rien l’inaccessible étoile, la contrée où personne n’ira jamais, beaucoup n’y sont pas allés et n’en sont pas revenus, attendre, attendre, venez ma colère et mon courroux, tremblez mes membres, mes pieds battez le sol, mes mains déchirez le tréfonds de mes poches, mes yeux épuisez la hagardise, tendez- *vous mes traits à me rendre blême ; je ne suis plus, je ne suis qu’attente et tension vers ce qui ne vient pas, je suis tout à l’heure et m’abstrait du présent, je ne suis que peut-être, je ne suis que parce que l’autre viendra ; je ne veux pas perdre ni renoncer, je veux désespérer l’espérance avant de capituler ; je n’aurai ni le bénéfice de la souffrance du prophète caché, ni le rachat, ni la grâce ; je suis inaccompli, je cède et baisse la tête, j’ai compris que le messie est attendu et ne vient jamais, mais l’attente est rarement vide si même personne n’est venu et ne viendra calmer et satisfaire la promesse de l’attente. Les promesses du diable ont-elles aussi ce pacte insupportable et morbide de l’attente ?»

Ecoute d’un extrait d’une musique contemporaine de KAGEL et notez le ressenti aussi épars que la musique est déconstruite.

Langue, langue, sons, sons, longueurs d’ondes exotiques sataniques et convulsifs, mots de colère, mots de peur derrière les croches du diable, mots de peur sidérante, silences déconstruits volés au génie de Mozart, martellements d’ensauvagement, cadence, cadences, syncope et arythmie, vertige démoniaque qui me dissolvent, injonction musicale de tuer les mots anciens pour des mots à chambre sonore, sans couleur ni odeur connue pour des chambres sonores et assourdissantes, déconstruire et détruire, faire mourir la chenille mélodique en soubresauts pour une chrysalide de musique insoupçonnée et sérielle, tonalités, tonalités, breaks du malheur, bing, bang, dring, argh, sortir des sens anciens et courants, vernaculaires ; à moi les sons barbares, vocalises rauques, battements de cœur  en marteau sans maître, où m’emmenez-vous ? Déluge et dérives d’aiguës à griffer les tympans, à faire sonner les osselets et l’enclume du diable, musique pour pores de peau, vibrations de squelettes sous les xylophones de l’enfer, danse macabre pour crânes rigolards aux orbites creuses claquantes et  sardoniques, demi-tons et demies-mesures de piano toc et toc, bruits et bruits de fureur, rythme alternatif de silence complice pour des Saints-Guy d’apothéose, aventure hors mélodie des arpèges, prenez ça bien dans les esgourdes et par vos voies sympathiques de vos os récepteurs, vibrez en transes, secoués, interdits, stupéfaits, étonnés, dans la dimension x….. de galaxies heurtées, de lumières vacillantes vibrantes et pâles avalées par les trous noirs  sonores, échos d’un univers dantesque au bras de Béatrices déconcertées et peu concertantes, adieux aux esthétiques et claviers tempérés, adieux aux baroques rococo et remixés, bonjour fureur et Tohu Bohu ! Nos épines dorsales sont ondulatoires et commandent nos mouvements saccadés et désaxés, corps disharmonieux aux vibrations de l’enfer, oubli de la raison et de la sensibilité, agression concrète aux bourdons farouches, puis silence dodécacophoniques, dodécaphoniques, dodécaph, dodéca ,dodéééé…….Gérard C….

dimanche 27 janvier 2013

 Liste de mes péchés inavoués au confessionnal
Gourmandise, convoitise, orgueil, vanité, envie, luxure, intempérance, mensonge, trahison, délation, oubli, tromperie, inconstance, inconsistance, injustice, narcissisme, perversion polymorphe, incongruité, dandysme inopportun, haine, prévarication, parjure, apostasie, idolâtrie, déviationnisme, libertinage, transgression, lubricité, imposture, vol, salacité, grossièreté, indifférence hautaine, curiosioté pathologique, empirisme confusionniste, zèle intempestif, couardise, lâcheté, effronterie, dilatation de l'ego, lucre, dévoiement, fétichisme alternatif, désertion libidinale, déviance exotique, cynisme manipulateur, utopisme invétéré, refoulement subjectif......... Gérard C.....

jeudi 17 janvier 2013

Chemin parcouru à rebours, à l'endroit
chemin retors dévorant de rêves envieux,
dévidant un fil éteint - chemin d'aveugle
et cet arbre en fleurs, anodin
entêtant de présence
lumière improbable dans ce silence sans fin
ne plus rejouer ces pas, inventer un chemin
retrouvailles insoupçonnées d'une trace désirante, sienne
laisser ce chemin à perte de repère
trop de fois parcouru...délétère.
Hélène


lundi 14 janvier 2013

Les photos...



Au théâtre Sheridan, ce soir

Encore Hopper.

Écrire une histoire à partir de l'incipit fourni par sa voisine en incluant des bribes d'un texte d'un autre voisin.


Comme chaque vendredi, elle était venue au théâtre Sheridan pour voir jouer le silence.

Comme chaque vendredi depuis ce vendredi fatal  où elle l'avait attendu.
Tant attendu.
          
                          Vainement.

On jouait à l'époque Macbeth.
Longtemps elle pensa qu'elle avait commencé à le désaimer, à le hair.

Hélas, ce n'était pas de la haine, mais une douleur qui absorbe sa vie et qui la fait encore aujourd'hui, hurler .

Dans le vide

Et elle reste là, agrippée à la balustrade, là où Hopper l'avait posée.

Avec un sourire vague.
La consistance du vertige dans le regard.

Attendant l'extinction de la douleur, cette douleur qui la ramène dans ce théâtre tous les vendredis.
Elle se retrouve décomposée par la vie, perdue dans la concordance des temps.

Le passé, le présent où l'on entend, dans ce théâtre , une litanie de plainte, une rumeur de perte.

Ce temps

Qu'elle n'avait pu  l' accorder au sien, puisqu'il n'était pas venu la rejoindre.

Et subitement elle compris.

Elle compris ce qu'il lui faisait vivre. C'est ce qu'il peint depuis des années:

L'angoisse humaine,
La solitude,
                              L'absence,
Le silence,
L'attente,
L'énigme du désir,
du Temps
                 L'énigme de la mort.

Ce fut comme une vision :

Elle allait se jeter dans le vide et il ne peindra plus que des tableaux dans lesquels le sujet a disparu.

Elle enjamba la balustrade et

..............bascula dans le vide.

Son cri zébra d’un grand trait le Silence qui se jouait ce soir là au Théâtre Sheridan.

Claude van Ackere




HOpPeR : En dépliant ces petites images ....


Pliage, dépliage de l'image pour lire le texte :c'est ouvrir le texte, s'ouvrir à l'autre. Passer de l'espace linéaire de la page au volume , à l'espace.   Pour que le texte s'ouvre entre nos mains.


Le 20 Novembre 2012 : A partir d'une reproduction d'un tableau de Hopper, écrire un monologue intérieur.

Bateau à voile

Ah!

Se faire mener en bateau             à voile
Sans vapeur
Dans l'enjambée dans la foulée pas facile de monter à bord avec ce vent dans les voiles

Il a fallu attendre cet Américain
Hopper

Qui peint des voilures pour que mon rêve enfin se dévoile
Voile de poussière de mémoire
Voile de sable sans illusion
Changer de bord
Quitter le quotidien chargé des lieux communs des habitudes sclérosantes

Là j'y suis
Le bateau penche dangereusement
Me retrouver à la mer merde je ne sais pas nager.et puis Hopper je ne l'aime pas vraiment enfin c'était l'occasion

Ne pas oublier de téléphoner à l'architecte que j'ai chargé des transformations de la maison
Coup de vent dans les voiles       frôler la mort
Changer de cap
Ah! oui la mort
Simplifier, plus de tourelles, pas de péristyle juste du style
De l'espace
Les murs imprégnés d'imprévisible, d'invisible d'irrésistible vide.....
D'illusible ou....

 D’illisible!!!

Claude van Ackere



Le vent nous emportera

Dans ma nuit, si brève, hélas
Le vent a rendez-vous avec les feuilles.
Ma nuit si brève est remplie de l'angoisse dévastatrice
Ecoute! Entends-tu le souffle des ténèbres?
De ce bonheur, je me sens étranger.
Au désespoir je suis accoutumée.
Ecoute! entends-tu le souffle des ténèbres?
Là, dans la nuit, quelque chose se passe
La lune est rouge et angoissée
Et accrochée à ce toit
Qui risque de s'effondrer à tout moment,
Les nuages, comme une foule de pleureuses,
Attendent l'accouchement de la pluie,
Un instant, et puis rien.
Derrière cette fenêtre
C'est la nuit qui tremble
Et c'est la terre qui s'arrête de tourner.
derrière cette fenêtre, un inconnu s'inquiète pour moi et toi.
Toi, toute verdoyante,
Pose tes mains-ces souvenirs ardents-
sur mes mains amoureuses
et confie tes lèvres, repues de la chaleur de la vie,
Aux caresses de mes lèvres amoureuses
Le vent nous emportera!
Le vent nous emportera!

Forugh Farrokhzad  (poète iranienne)


un poème que j'aime et que je partage avec vous

Florence
A propos du CROMUTAR...

personne n'aurait imaginé que les cromutars jambon-fromage poussaient à même le sol dans les grandes steppes de l'Asie centrale...un grain de moutarde suffisait à faire jaillir du sol au printemps des hectares de cette nourriture subtile.
Pas une goutte d'eau n'était nécessaire; seul le soleil, la chaleur les faisaient naître et croître.
 De belles couleurs rose et jaune-orangé, plusieurs rangées de dents.
 Leurs dents acérées brillaient au soleil et claquaient au vent.
 lors des nuits fraiches, on entendait au loin des claquements de dents incessants pendant toute la saison qui précédait la récolte.
Et les enfants des villages avoisinants tremblaient toutes les nuits. Dans leurs cauchemars, ils se faisaient disséquer, dévorer par des sandwichs sans pitié. Pire que des ogres...
Et les parents répétaient aux enfants capricieux: "si tu continues, tu finiras grignoté dans le champ"
Ceci durait jusqu'à la récolte;
 Il fallait des machines très sophistiquées, énormes, bruyantes, capables d'effrayer et de terrasser les sandwichs agressifs.
On appelait l'arracheur de dents pour finir le travail et la petite souris pour le nettoyage final.
Quelle joie, quelle fête une fois la récolte achevée, telle une bataille gagnée contre la nature cruelle.
Tout le monde mangeait à sa faim, tout le monde était rassasié.
Et la tranquillité régnait à nouveau sur le pays jusqu'à la prochaine saison.

Florence

Livre-objet ( 5 cm de diamètre)


                                               Livre-objet. Couverture en cuir. J'écris. 
                                               Claude van Ackere

Mardi 9 Octobre, c'est la rentrée ! J'écris




Les lieux où l'on a écrit, comme une façon de parcourir son histoire.



J'écris dans le ciel chauffé au rouge de Provence.
J'écris dans les terrains accidentés de mon enfance, dans les effluves de Baudelaire, l'hiver dans l'odeur         des mimosas.
J'écris dans l'ondulation des savoirs, dans le fracas des mots insensés.
J'écris dans la clarté opalescente de la lune, dans l'enchantement ténébreux de la nuit.
J'écris pour saisir l'insaisissable.
J'écris dans l’espérance d'une trouvaille.
J'écris dans un intarissable chuchotement, dans l'émotion..... jusqu'aux vibrations.
J'écris dans les lieux de ma mémoire odeur de vétiver.
J'écris dans les liens d'encre et d'espace.....

Claude van Ackere



Exercices autours du thème de Marcovaldo

  • Exercice  l’anagramme : ERROSS AGAR VANNE
  • Exercice de description de la plante : les papillons de la famille des Vaness, utilisent cette plante pour se nourrir et y pondre leurs œufs. Leurs chenilles, une fois éclosent des œufs, se nourrissent de ses feuilles avant de se laisser tomber VANNEes au pied de la plante où grâce à de judicieux phéromones, attirent des fournis AGARes qui les recueillent dans leur fourmilière pour l’hiver.
  • Exercice du parcours en ville
Arrêt de tram porte de l’hôpital. Les portes s’ouvrent sur une rue bordée de maisons hautes, de bouiboui de restauration rapide, d’une carterie, d’un perruquier et des pavés qui font résonner les pneus des voitures.
Une petite dame, voutée par l’âge, s’extirpe à grand peine de la foule agglutinée dans le tram, s’arrête quelques instants sur le quai pour épousseter ses habits et en refaire les plis. Puis elle lève la tête, regarde autour d’elle, dans tous les sens, comme semblant chercher son chemin dans ce dédale minéral. Puis ayant trouvé réponse à ses réflexions, elle se dirige d’un pas vif et décidé vers les quais tentant, tant bien que mal de rester droite malgré les pavés qui accrochent ses chaussures et sa canne.
Elle marche vite, pressée par une urgence, qui lui fait ignorer le petit bonhomme rouge du feu du quai Charles Frey. Elle longe les quais, trottinant de plus en plus vite, ne semblant guidée que par cette urgence, indifférente aux maisons alsaciennes qui font maintenant face à l’Ill. Puis soudain elle s’arrête. Si brusquement que le vent lui tombe dessus.
A ses pieds sur l’asphalte froid du trottoir est posé un papillon aux ailes couleurs d’automne. Il ne bouge pas, déploie seulement à intervalle régulier ses ailes qui colorent d’ocre le gris du trottoir. La petite dame, voutée par l’âge – et par le vent qui lui est tombé dessus – se penche vers le trottoir, pousse délicatement le papillon dans le creux de sa main, regarde autour d’elle dans tous les sens puis reprends sa marche décidée, sa canne dans une main et le papillon dans l’autre. Elle trottine, trottine, poussée par le vent qui a repris sa course dans son dos. Ses petits pas rapides l’emmènent au bord de l’Ill en face des Ponts Couverts, là où le gravier et les herbes folles ont remplacé l’asphalte des trottoirs. Puis soudain elle s’arrête. Si brusquement que le vent, surpris, lui tombe à nouveau dessus. A ses pieds, contre un saule dont les branches caressent l’eau pousse vaillamment une EROS AGAR VANNE sur laquelle la petite dame voutée posse délicatement le papillon.
Un sourire se dessine sur ses lèvres ridées quand elle se redresse, puis regarde autour d’elle dans tous les sens et reprend sa course décidée poussée par le vent.

  • Exercice de la poursuite du texte de Marcovaldo
Il était trop tard pour trouver un tram qui repartirait dans l’autre sens avant le lendemain matin. Marcovaldo pris donc le parti de suivre à pied la ligne de tram et de remonter les arrêts en sens inverse jusqu’à trouver celui qui le ramènerait aux portes de chez lui. C’était encore le plus sûr moyen de garder un fil de réalité dans cette nuit de brouillard où son esprit restait projeté dans les forêts de l’Inde. Marcovaldo mis ses pieds sur les rames du tram et s’imagina marchand sur des bois flottants des forêts de l’Inde pour contrecarrer la monotonie annoncée de ce trajet de retour. Il essayait de traverser un fleuve où se prélassaient crocodiles et hippopotames qui le regardaient passer d’un œil torve. Tout à son imagination, ses pieds se prirent dans les rails et il chutât pour se relever d’un bond voyant les crocodiles approcher. Il regagna le trottoir car il était plus prudent de remplacer les bois flottants des rails de tram par un chemin forestier taillé à la machette au sein de la jungle. Le sentier bordait des marécages d’où émergeaient des brumes de nuages. Tout était silencieux, comme si la jungle suspendait ses conversations, pour regarder passer le petit homme égaré.
Marcovaldo ne perdait pas du regard les rames du tram. Sa survie dans cet environnement hostile en dépendait. Il n’était pas bon pour un voyageur des grandes villes de sortir des sentiers balisés des forêts de l’Inde. On pouvait croiser la route de serpents vénéneux, d’un pécari furieux ou d’arachnides coléreux. Mais c’est la route d’une fouine de chez nous que croisa le sentier de la rame de tram qu’empruntait Marcovaldo. C’était son heure, celle où elle pouvait s’extirper des caves abandonnées pour partir à la découverte de la ville et des mets qu’elle recelait. Et elle fut bien exaspérée que par cette belle nuit de brouillard où elle pouvait se rendre encore plus invisible elle croisa celle d’un petit homme égaré dans une forêt indienne.
Vanessa

dimanche 13 janvier 2013



Ecriture de la suite du texte d'Italo Calvino

 [Après s’être émerveillé devant un film qui se déroulait dans les forêts de l’Inde, Marcovaldo, personnage rêveur et fantasque, prend le tram dans le brouillard, se trompe d’arrêt et n’a plus d’idée de l’endroit où il se trouve...]

Marcovaldo haussa les épaules et se résigna. Puisqu’il n’y aurait de toute façon pas de prochaine rame avant longtemps, il fallait marcher. Il partit au hasard dans la purée de pois, qui l’enveloppait comme une couverture.
Il divagua ainsi par les rues pendant de longues et douillettes minutes, ne distinguant rien, les sens reposés.
Une chaude caresse sur la joue l’interrompit. Emu, il porta la main à une large feuille, d’une espèce qu’il n’avait encore jamais rencontrée. Il l’examina, contourna doucement la plante et se guida le long d’une allée en passant d’une essence à une autre.
Dans une percée du brouillard, il entrevit des couleurs qui lui semblèrent éclatantes malgré l’obscurité, les sons cotonneux se muèrent en une mélopée exotique, une odeur sauvage le prit à la gorge. Il crut reconnaître les décors qui l’avaient tant émerveillé dans la soirée. A tout hasard, il guetta des mouvements, mais déjà le nuage de vapeur se reformait.
Il avança encore. Une lumière diffuse l’appela vers sa gauche. Au terme de sa progression, il se réjouit de bientôt pouvoir rejoindre son foyer. En effet, il était parvenu devant la boutique du glacier, près du jardin botanique, où il avait coutume d’emmener ses enfants le dimanche.

Estelle B.


Le cromutar

Devant l’assemblée qui retenait son souffle, le petit cromutar eut un sursaut, plissa ses yeux encore fermés et poussa son premier cri.
Le laborantin se précipita pour prodiguer les premiers soins à ce nouveau-né au teint gris-vert, héritage de son parent végétal, et aux membres encore aléatoirement disposés.
Déjà le professeur Favier se rêva en première page de la revue Science, et commença à imaginer le futur : il faudrait expérimenter les boutures, ou encore le cloner. Comment arriver à en changer le sexe, afin d’envisager une reproduction sexuée, plus durable ?
Les enjeux financiers étaient énormes, depuis que la Terre n’était plus autosuffisante sur le plan alimentaire, et qu’il fallait trouver des solutions autres que les OGM, qui eux-mêmes n’étaient plus rentables.
Ce petit être allait engendrer de quoi remplir les supermarchés et les pharmacies du monde entier !

Estelle B.

samedi 12 janvier 2013

Thème: un trajet en ville où la nature surgit, banale ou fantastique
( à la manière de Marcovaldo de Italo Calvino)

Sur le chemin de l'école, Hypolite courait en riant le long du vieux canal. Pourtant c'était l'automne;  la pluie froide tombait sur les chexduches* sinistres, inondait les visages blêmes des gens pressés, cherchant à esquiver les gouttes et les marrons. Mais pour lui c'était au contraire une symphonie de gouttes d'eau et de lumière, c'était la mer à l'envers, c'étaient des vagues venues du ciel, éclaboussant la rue en pluie d'artifice. Il voyait des centaines d'oursins flotter dans les caniveaux, s'échouant au milieu d'étoiles rousses.Il sautait à pieds joints dans les flaques, faisant  gicler des gerbes d'eau sur les marronniers en feu. Et le long du vieux canal c'était comme un automne boréal.
*chexduche sinistre: plante sombre des marais glauques des villes du Nord
Christine

Mardi 9 octobre 2012

Décrire un moment d’écriture

Bibliothèques idéales à Strasbourg, installé au café de l’Aubette, je veux tout à la fois m’abstraire pour imaginer et me confondre pour y puiser des ressources. A Strasbourg je ne suis plus à Strasbourg, ma ville est devenue mon village et sa bibliothèque idéale, ma cité est une école.
Je suis transporté dans un autre espace, l’Agora de Syracuse, la voie des Panathénées d’Athènes, les papyrus d’Alexandrie, je suis tout entier dans mon rêve, dans ma réflexion et dans mon retour sur moi-même ; je suis au rythme du temps croisé de la lecture et de l’écriture, de l’échange entre les écrivains qui m’ouvrent la voie que j’emprunte, ils posent un regard neuf sur la vie et m’en dessinent les contours d’une autre vie possible !! L’univers tissé par tant de mots en une seule semaine m’appartient, je me le suis approprié, mes écrivains de prédilection m’ont donné une clé de fiction pour mieux comprendre le monde où je vis. Tout est mêlé, de l’intime à la force de l’engagement pour la société et le monde. Que d’introspections hasardeuses en des lieux clos ont précédé leur venue à ces auteurs, qui nous offrent leur monde reconstruit sur un socle stable de leur imaginaire !!
Des écrivains me croisent et je me demande comment ce genre d’individu puisse être au-dessus de tous et comme tout le monde ! Leur charisme serait peut-être la ligne de conduite adoptée où est maintenue le style et les convictions de fond. Pour eux c’est avoir du style, mais pour nous du commun c’est avoir des habitudes !!
Si la culture est pouvoir, la littérature est ouverture vers des immensités où la liberté peut s’émanciper, que l’on soit croyants ou incroyants, semblables ou différents ; tout est politique dans la Polis de Strasbourg   qui aborde l’Europe et même le monde par le seul pouvoir du verbe et des mots, tout se transforme en ce lieu d’échanges exceptionnel.
Place Kléber, l’Aubette sont les écrins du verbe, la parole est transformatrice, la vie telles qu’elle est côtoie la vie telle qu’elle devrait être selon les sensibilités. Oser s’exprimer est si dur que la main hésite sur la page blanche, je n’ose égratigner de ma plume le Velin de mon cahier que j’ouvre en tremblant, mais tout mon désir est langage et signes, tout fait sens bien au-delà des contingences et du subjectif !! De la fenêtre de l’Aubette, tous les personnages déambulent au long des rues, une foule de lecteurs et d’écrivains mêlés, mais aussi des personnages de roman émancipés de la volonté des auteurs et de l’appropriation des lecteurs, vraies créatures de Frankenstein…….un jour viendra où quelqu’un fera la biographie de ces personnages de roman.
Strasbourg est Alexandrie et Athènes tout à la fois, la ville se fait chœur et le verbe est un cœur en contrepoint. Des créateurs en chair, vivants, sèment leurs pages inconnues au gré des avenues, et je note, je transcris, je transforme ce que me renvoie mon regard en petites épures posées sur mon carnet avant d’enrichir et d’orner de syntaxe le propos ; le verbe s’est fait chair tout soudainement, mais qui fait réellement le roman ? L’écrivain ou le lecteur, puis-je le savoir par l’empathie ou l’exégèse ? Tout me parle, je quitte l’Aubette et cingle vers la cathédrale, où je suis hélé par les visages émerveillés des statues des saintes gothiques, le ciel bleu s’installe dans la vasque du creux de leurs yeux de pierre et leur donne un regard.
Elles ne sont plus, par la seule magie de mon regard et de mon inclination romanesque par côtoiement des écrivains, ces inquiétantes formes de pierre de part et d’autre du tympan de l’entrée principale de la cathédrale, elles n’ont plus ce regard braqué vers le vide ; je voudrais les interpeller mais n’ose pas les déranger, je voulais juste enregistrer leur mystère. Je ne voudrais plus les voir se rencogner dans les replis de la pierre, comme si elles étaient retournées à l’âge de pierre, comme une calcification du passé.
 La Synagogue aux yeux bandés semble  se réveiller d’une longue ankylose, avec ses muscles énervés de fourmis carnassières traduisant encore son intrépidité, elle, sortie vivante ce jour, du profond  de la pierre, pour moi et pour moi seul. Décidément tout fait sens, le réel n’est finalement pas assez riche, je le  double de mon imagination, il répond à mes injonctions, je suis un démiurge à la mode Platon !!
Mon rapport à Strasbourg, étrangement, est fait d’étrangeté, une grande sensibilité nouvelle à la  contingence de cet environnement pourtant si habituel et si familier, je ne suis qu’un bloc d’émotions et de sentiments, j’ai conscience en permanence de mon décalage, une sensation d’inconfort accompagné d’un regard perplexe face à ce qui m’arrive ; Pensez-donc, je suis tel un insecte aux mille yeux, des yeux dédoublés, les miens, ceux des auteurs qui m’ont ouvert d’autres regards, et même une vision intérieure ; je ne puis que montrer de  l’humour afin de témoigner de mon rapport d’étrangeté soudaine à ma ville; je veux aussi être auteur et  raconter des histoires drôles ou tristes, car finalement à Strasbourg  je ne suis plus à Strasbourg, je veux écrire mes histoires de déracinement et de discordance, il y a urgence je ne suis que  brûlures, tout ce qui me constitue est en feu.
La littérature est une belle évasion en ces temps où les angoisses projettent un peu partout leurs ombres noires, où de petits iraniens ou coréens du nord voient des champignons menaçant quand ils rêvent de nuages, et leurs yeux risquent plus de briller d’irradiations que de joie !!
Portrait d’un objet d’écriture (CF Régine Detanbel), ne pas nommer l’objet, pas de subjectif ni d’émotif.
J’accepte d’être structuraliste pour un moment, j’évacue toute ma subjectivité et toutes les contingences pour vous rendre mon objet en soi, avec ses caractères propres et immuables et ses lois de toujours attachées à sa structure.
Mon objet est un outil de miséricorde qui permet  à l’étourdi d’annuler sa faute ou son erreur et autorise de retrouver le sourire radieux de celui, qui libéré de la peur du châtiment, retrouve la quiétude de la rédemption, quasi ressuscité, quasi restitué !! L’objet prend sur lui d’endosser tous nos manques, d’anéantir tous nos errements, et perd pour cela de sa substance qui se répand en roulures ou copeaux de plastique ou de caoutchouc sur la feuille d’écriture ou de dessin. Sa texture est douce aux doigts et n’offre aucune aspérité, elle épouse de nombreuses formes selon les pressions exercées  sur ses faces, et retrouve son état initial ; mais elle peut être à la fois douce et rugueuse, signalant ce double aspect selon des couleurs déterminées. Elle finira son existence, particule par particule jusqu’à assécher les fautes présentes et à venir pour la venue d’un monde parfait. Souvent, cependant, ses quatre faces ne sont jamais indemnes de perforations de compas, de punaises, de morsures de dents, de crevasses d’ongles rageurs, car mon objet est le souffre-douleur de l’écolier en colère ou désoeuvré.

Mardi  23 octobre 2O12

A partir de trois syllabes prises au hasard, le mot CROMUTAR apparaît, rédiger une notice de cet objet :
CROMUTAR : Nom masculin, au pluriel cromutara, origine néanderthalienne tardive ; assemblage de trois phonèmes d’alerte, CRO : de Cro-Magnon, peuplades préhistoriques qui génocidèrent les Néhanderthaliens, syllabe de signalement.MU : syllabe obtenue par troussement de nez pour déclamer un mantra de prière afin de chasser les intrus.TAR : Syllabe obtenue par descellement des lèvres pour montrer les dents, puis souffler dans une sorte d’olifan fait d’une conque rhénane biseautée, et utilisée pour donner l’alerte aux envahisseurs. Elle fut utilisée lors de la bataille de Hatstatt qui vit la défaite des Néanderthaliens contre les Cro-Magnon.

Ecrire un texte après avoir lu la notice d’un autre participant :

La complainte du COMUTAR

Oyez cromutareuses, cromutarantes et cromutaresses, vous qui de paroles estes asbondamment pourvues, toutes en verbes, verbieuses en verbiages passant la chair qu’avez trop abondamment nourrie !! Esgourdez en place icelui ou icelle de vos cromutars qu’entrebrassés avaient tenus.

N’ayez guigne que l’infortune les emporte avant que tout ne leur soit advenu, comme le frère Jésus fils d’un Dieu qui foin n’existe. Sur nous n’ayez plus maîtrie quand en boulangerie, baffrerons ronds de pain à fine fleur de farine blanchie. Ne portez sur nous l’opprobre de vos yeux cavés, portez loin d’iceux l’infernale fouldre, soyez de notre confrérie et daignez nous absoudre, que nos os ne soient cendre et poudre cromutarés.
Décrire la première possession d’un objet (texte garanti sans objet)
En ce hameau du Limousin de mon enfance, régnait ces termes de l’échange qui me plongeaient dans une perplexité sur la notion de valeur. En ^premier lieu je tentais de percer le commerce humain par les expériences brutes déroulant leur scène selon des rituels martelés dans le granit, ainsi,
                . M.... Pény était-il l’ami de la famille mais il était en quelque sorte une valeur d’usage, nous le comptions parmi nos amis car il savait tuer le cochon et nous l’appréciions pour sa science. En contrepartie nous lui offrions notre science de battre les faux en gardant un fil de coupe efficient. Nous étions amis selon cette loi du commerce de l’échange des services. Quant à savoir si tuer le cochon valait le battage du fer des faux, nous n’en savions pas les équivalences ou plutôt la notion de service était un étalonnage suffisant.
                . Par contre nous étions d’un bon commerce avec Martial Brun, mais c’était un lien abstrait ne comportant pas d’échange matériel, si ce n’est de réquisition de visage, du bon usage des émotions et de bonne hauteur des sentiments. Tout e produisait dans l’invisible, les gens valaient par eux-mêmes, dans leur personne, leur lignage et leur réputation. La mesure et la gradation n’avaient pas d’empire sur ce commerce, c’était parce que c’était lui et parce que c’était nous. Il ne s’agissait pas de confiance assise sur la qualité d’un objet ou d’un service, mais sur les qualités humaines inappréciables en termes de quantité. Pourtant on disait bien quel pouvait être l’objet de notre amitié, n’était-ce pas finalement un désir raisonnable, un manque sans excès, il était et avait ce que nous n’étions pas, ce que nous n’avions pas.
                . Mais plus encore, Amélie la gardienne d’oie et le journalier Ernest, leur relation était d’un commerce excessif, ils étaient possédés l’un par l’autre, ils aimaient réciproquement ce qu’ils imaginaient dans l’autre, ils étaient tout en projection, celles d’aimer comme ils avaient été aimés et réparer les manques affectifs de leur enfance. Pourtant Ernest donnait ce qu’il n’avait pas à Amélie qui d’ailleurs n’en voulait pas, c’était cela, quelque chose de caché, l’objet de leur amour, unique objet de leur sentiment voire de leur ressentiment. Ils disaient joliment ces mots de possession, je t’appartiens comme tu m’appartiens.
Puis ils se marièrent, ce qui donna lieu à la constitution d’une dot en franc-or dont la possession avait valeur d’échange universel du fait de la confiance qu’on y attachait. Mais l’argent non dépensé n’avait pas de valeur d’usage, ce n’était pas comme un champ ou une bâtisse qui avaient une valeur d’échange et d’usage pour ce qu’on les travaillait ou habitait.

Mardi 4 décembre, Italo calvino «  Marco Valdo »
La nature est au cœur de la vie, elle s’ouvre sur les saisons que n’a pas effacées la ville ;
1-      composez une anagramme de votre nom  pour en créer une fleur et rédigez une courte définition.
BANGCHDEREA : Plante dicotylédone des zones humides de la région de Delphes, de couleur mauve qui dégage une essence puissante et utilisée par les Pythies et Apollon pour leur pouvoir euphorisant .  Après absorption, deux ou trois interprètes  suffisaient à peine pour décoder les délires verbaux qui sous-tendaient les oracles propres à guider les conduites futures.
2-Promenade en ville puis un regard sur une plante qui vous dit la nature.
Je ne sais voir de la ville de Strasbourg que la première ellipse ceinte par l’eau courante de l’Ill, seulement ouverte vers la périphérie par des ponts de pierre aux arches puissantes de soutènement. Au-delà Strasbourg ne m’est plus Strasbourg, je suis le paysan de Strasbourg, étranger en sa propre ville. Je ne sais rallier l’hypercentre que par la rue des frères, toujours le même itinéraire ainsi que les troupeaux sauvages rejoignant les points d’eau des oasis. Poésie des façades où les pierres ont des visages, des visages de lumières qui appellent les regards. Strasbourg n’est pas une ville sans histoire et cela lui donne peut-être cette gravité qui lui ôte un brin de folie. Nulle clameur en ces rues rectilignes, nulle fantaisie sous la pesanteur de l’ordre, avant que de gagner la colline de Notre-Dame de Strasbourg dont la grâce vous enveloppe et vous transporte de joie. J’en étais à mon extase à la contemplation de la « Synagogue » sous les traits d’une statue de juive aveuglée par un bandeau, qu’une saute de brise, d’aucuns diraient le vent du diable, fit frémir une touffe de Bangchaderea que la politique écologie du service d’entretien de la ville n’avait pas empoisonnée. Je me sentis transcendé par le puissant effluve de la plante en fin de floraison, qui m’enseigna que nous abordions l’automne ! Les pierres de la cathédrale ne savent pas parler et dire les saisons, elles nous contiennent dans une saison unique, puis une fleur frémissante me rappela le rythme des saisons qui dirigent les travaux et les jours champêtres. La nature est merveilleuse surtout quand on y est pas, mais un signe émissaire du destin à leur enseigne me ravit de plénitude.
2-      Le personne d’Italo calvino se perd soudain dans le brouillard et ne sait plus où il est, à quelle station de tram. Imaginez où il est et ce qu’il lui advient.
Il cheminait sur le sentier du retour après avoir vu la princesse Devda Goroazdé qui n’en finissait de s’inscrire sur l’envers de ses paupières closes, alors que  le regard rapetissé jusqu’au non –être il humait la fraîcheur du soir qui montait du petit canyon, une fraîcheur qui exaltait les fragrances du théâtre de verdure. La lauze craquait sous ses pas incertains dans le chemin creux, il connaissait le doux désarroi de l’intelligence par toutes ces choses natives qui prenaient un relief particulier à la lune montante. Un filet d’eau parcimonieux clapotait sur les pierres, la lune et l’étoile du Berger éclataient de lumière, il ne se sentit soudain plus de ce monde, il avançait sur une voie imaginaire balisée par des astres aux pubescences d’or, il avait franchi le parapet et arpentait déjà l’autre ban communal, terre étrangère ressortissant d’un autre vallon. Ses repères habituels avaient brisé leurs amarres et démarré, ainsi des tours Sarrazines et du beffroi de l’horloge.   Rien désormais ne lui parlait cette langue de son plateau natal. C’était sûr il avait dérivé et il entendait à trois enjambées en arrière la princesse Devda Goroazdé frappant de ses pieds nus les dalles de schiste. Un chien aboya, puis deux, des lumières jaillirent sur les seuils des maisons baignées de nuit, il revint soudain à lui car Devda Goroazdé l’avait abandonné. La voix rocailleuse du garde-champêtre en éveil lui signifia qu’il s’était dirigé sur le village de l’autre versant, chez les gens d’en haut, il avait flotté comme dans un songe, le garde-champêtre lui proposa de le reconduire chez lui sans autres manières et fort civilement.
Lettre (du) Père Noël (ou le Père Noël croit-il encore aux enfants ?)
Mon cher Ami Gérard,
Je ne crois plus aux enfants. Je dirai même que les enfants, en fait, n'existent plus.
Bien entendu, les humains ont une progéniture, une descendance, des petits, des mouflets, des nains, des chiards et des modèles réduits de consommateurs.
L'« enfance » est un phénomène de nature, la première période de la vie humaine, mais l'« enfant », tel que vous le concevez aujourd’hui, n'est lui qu'un phénomène de culture récent auquel je ne crois pas. L’enfance du petit d’homme était celle d’un être se développant entre les exigences naturelles de son état d’enfance, la confrontation à l’existence humaine, et les contraintes culturelles de sa société de naissance.
L’état d’enfance c’était un apprentissage, une éducation qui devait lui permettre de prendre la place qui lui était dévolue dans un ensemble, en se soumettant à l'autorité.
J’avais ma place dans ce monde de l’enfance, père universel de substitution, père bonhomme ou père fouettard, père sans enfants et sans parents, père non-géniteur, comme un Père adoptif de tous les enfants. Les psys disent de moi que je suis une figure non conflictuelle du père œdipien, et que la fin de la croyance au Père Noël coïncide avec la fin de la phase œdipienne du développement de la personnalité de l’enfance. La Poste comme assistante du Père Noël dans sa mission de distribution du courrier, sa médiation avec lui, et sa sous-traitance en termes de réponse formatées, exerce un droit d’ingérence dans les familles ; la Poste fait donc droit à ce père de substitution qui double tous les géniteurs, comme le firent Staline le petit père des peuples ou Attaturk le père de tous les turcs.

Or les instances éducatrices ont explosé. L’enfance est perçue maintenant, non comme l’apprentissage à l’appartenance à un groupe de référence, mais comme la préparation à une juxtaposition de légitimités individuelles. Le conflit a ripé de l’ordre social au registre du désir. Toute contrariété est vécue comme une injustice insupportable. L’absence de valeurs communes est patent, la parole de chacun ayant le même poids. Mais je n'y suis pour rien, et je ne reconnais pas ces chiards hurlant dans les supermarchés à s'en faire péter les cordes vocales parce que les parents n'ont pas déposé dans le chariot la boîte colorée inutile qui passe à la télé. Voilà ce que vous avez fait de votre descendance en lui attribuant le statut d'enfants », c'est à dire d'adultes en miniature. (Tant dans les comportements que dans les vêtements).
Non, je ne crois plus aux enfants.
On a dit que j'étais un phénomène de laïcisation, que dans l'école laïque, dans les mairies, je remplaçais la crèche alors que les bœufs y accrochent encore le portrait de l'âne. Les chrétiens célèbrent à Noël la naissance de Jésus Christ qui, non seulement était fils de Dieu, (encore un fils à papa ! Ontologique, historique ou sautériologique de surcroît !!), mais aussi d'excellente famille du côté de sa mère. Ce Jésus est né dans une étable, parce qu’à l’époque, déjà, certains propriétaires refusaient de louer aux Juifs. Est-ce pour cela qu'il n'y a pas de crèches dans les mairies?
Pour commémorer cette naissance, certains mettent un petit Jésus dans la crèche, alors que d’autres préfèrent que ce soit le Père Noël qui entre dans la cheminée.

J'ai pu être perçu sous bien des formes, mais toujours je faisais des cadeaux, un don gratuit à l'enfance, alors que vous en avez fait une obligation, m'ôtant même le choix du cadeau pour le laisser à ces affreux moutards, dont l'appétit n'est jamais satisfait.
Mais si Noël a une histoire, cette fête conviviale fait, de nos jours, oublier le passé, ne s’occupe pas de l’avenir et ne s’intéresse qu’aux présents.
Le don correspond à un rituel dans les sociétés tribales.
Le cadeau, qui semble consenti et libre, est en réalité une contrainte sociale et définit un rapport proche de l’agression, qui exige, en réciprocité un contre-don. Je sers à éviter que chacun se sente en dette, à éviter la nuisance du potlatch, l’obligation de donner, celle de recevoir et celle de rendre encore plus.
Mais ces enfants- là, n'ont plus ce problème.
On a dit que j'étais une création historique récente. Il y a toujours eu des fêtes où l’on faisait des cadeaux aux enfants. Mais l’économie des dons/contre-dons au sein de la famille apprend à l’enfant à avoir des demandes matérielles, à formuler ces demandes (la lettre au Père Noël, et souvenons-nous déjà pendant la 2ème guerre mondiale !! La plus belle lettre au père Noël aura permis à un père prisonnier en Allemagne de rentrer chez lui pour les fêtes, mais seulement pour les fêtes.) : Bref, il est éduqué à désirer obtenir des biens matériels, et à les recevoir " magiquement " d'une " main invisible ".
Lorsqu’il reçoit ce qu’il a demandé, lorsqu’il est comblé, l’enfant ne se sent pas en dette d’un contre-don impossible à l’égard de ses parents. On a fait de moi l’opium des enfants, les aliénant à une appartenance à un âge de simili adultes, écartant tout apprentissage à la difficulté et au travail nécessaire à obtenir quelque chose. Non, je ne crois pas à ces « enfants ».

On a dit que j'étais un phénomène de paganisation, une fête moderne, inventée par les américains avec des caractères archaïques, alors que le prétexte païen à la réalisation d'un diner frugal de victuailles hypercaloriques et hyper glycémiques, se retrouve en fait quelques jours plus tard, au Nouvel An. Sur le plan darwinien j’ai beaucoup évolué, depuis ma figure de Saint-Nicolas porteur de la lumière du Christ, le Weihnachtsmann vert et enfin le Santa Klaus rondouillard et rouge, sans compter qu’à Strasbourg le Père Noël est une fille Christskindel émanation de sainte Lucie.

Mais où est l'enfance dans tout ça?
La vérité, c'est que je suis utilisé comme prétexte à la sanctuarisation de l'enfance, ce mouvement qui fait de la progéniture de l'homme, du fruit de l'homme, un « enfant », un être indépendant. Je sers à justifier le passage de la notion de progéniture à celle d'enfant, d'un état naturel, celui d' « infans », celui qui ne parle pas, au concept d' « enfant », auquel je ne crois pas, en fait un enfant gestionnaire à partir de 2 ans, qu’on en juge :
. L’enfant doit établir et écrire sa liste de cadeaux, il doit gérer son Noël et créer son service d’achat, et cela sans concurrence car seul le Père Noël est labellisé et référencé.
            . L’enfant doit rédiger son Contrat avec le Père Noël, ce dernier sera-t-il performant ? Il doit envisager des clauses synallagmatiques et des clauses de résolution.
            . L’enfant doit faire une étude de marché et porter les spécifications techniques et la marque des jouets souhaités, négocier des garanties et des contrats de maintenance. Certes la négociation tarifaire n’est pas de mise en raison de la gratuité consentie par le fournisseur magique et personnage de contes. Cela évite la nomination d’un commissaire aux « contes ».
            . L’enfant doit mettre en place une stratégie de négociation avec le Père Noël, argumentée sur des résultats scolaires ou sur des promesses à venir, c’est bien d’un véritable management de performance, voire un management de projet dont il s’agit; Quoique parfois je reçoive de simples demande ou commande non argumentées.
            . L’enfant doit s’astreindre à de la rédaction administrative très codifiée, pour faire une lettre de recommandation de lui-même, avec le programme d’action et pense que, moi  le Père Noël, peut réaliser cette  performance comme l’enfant, la sienne.
Savez-vous qui a officialisé ce mouvement ?
Françoise Dolto, la sœur de jacques Marette ministre des Postes : « Notre rôle de psychanalyste, n’est pas de désirer quelque chose pour quelqu’un mais d’être celui grâce auquel il peut advenir à son désir. ». Elle considérait que les enfants de un an disposent, à leur manière, d’une pleine intelligence des choses. Ce faisant, elle les sortait de leur statut social d’infans, étymologiquement celui qui n’a pas droit à la parole, pour le définir comme un être de langage, avant même qu’il ne sache parler. Mais dès lors qu'il sait hurler.
Pour officialiser ce changement de statut, c'est elle qui a mis en place, avec la Poste, la fameuse lettre au Père Noël... Le schéma narratif est bien connu, il met en évidence la figure bienveillante du Père Noël qui a  beaucoup de travail, le Père Noël a aussi un profil fouettard et demande aux enfants s’ils ont été sages, le  Père Noël  est aussi déraisonnable et  permissif qui récompense les caprices de l’enfant, le Père Noël est un enfant lui-même, un peu fou fou, et enfin le Père Noël peut être aussi oublieux, à partir d’un certain âge il sera révélé et ce sera la fin de l’innocence. Je connais bien ce processus et le respecte à la lettre comme on dit à la Poste.
J’ai vocation à être un personnage éphémère pour l’enfant et je m’attends à mourir jeune dans son imaginaire, car je ne voudrai pas encourager le syndrome de Peter Pan chez des enfants qui se refuseraient à grandir pour ne pas cingler vers l’âge de raison ! Je ne le sais que trop, ces petits d’homme en arriveront inéluctablement à différencier le réel de l’imaginaire, et ils vont se préserver cette aire d’illusion avant d’affronter cette réalité qui les inquiète et les malmènera leur vie durant.
Je veux être l’interlocuteur privilégié des enfants, leur confident auprès duquel ils pourront exprimer leurs désirs secrets, je serai l’ami intime de l’enfant qui n’a pas d’amis. N’allez pas croire que j’encourage la naïveté, mais je veux les accompagner doucement sur le chemin qui les conduira à la désillusion, jusqu’au jour où je mourrai pour leur imaginaire, et où la réalité leur fera prendre conscience que tous leurs désirs ne peuvent pas être exaucés, même la guérison de leur maman par exemple. Et je veux m’adresser aux enfants qui ont percé mon mystère et m’ont dévoilé pour devenir de jeunes initiés et affranchis de ma vérité, même si vous avez le sentiment que l’on vous terriblement trahis, «  Aidez-moi à entretenir la magie à l’attention de vos plus jeunes frères et sœurs, je vous octroie le statut de jeune initié et continuez à leur intention, d’entretenir ce pieux et bien joli mensonge, et de garder en vous un merveilleux souvenir de moi !».

On a dit que j'étais un mensonge social par la question de l’origine des cadeaux de Noël.. D’abord Noël arrive toujours quand les magasins sont bondés, et les commerçants auraient été bien plus inspirés de choisir une autre date. Fixer la date au mois de Juillet aurait aussi permis que j'évolue enfin dans des cheminées éteintes. Sans parler de la température extérieure : Noël au balcon, enrhumé comme un « con ».
Les adultes mentent sur mon existence (mensonge primaire) puis sur toutes les conséquences logiques de ce mensonge (mensonges secondaires), telles que les caractéristiques de mon personnage, les éventuelles contradictions avec la réalité (par exemple : absence d’une cheminée dans l’appartement).Or tout mensonge est immoral selon Kant : le fondement de toute morale repose sur l’impératif catégorique selon lequel chacun doit agir uniquement d’après une maxime dont il peut en même temps vouloir qu’elle devienne une loi universelle. On ne peut pas mentir sans accepter que l’on nous mente en retour,. Abuser de la crédulité de l’enfant est toujours immoral : personne ne devrait jamais se le permettre.
Mais l'enfant aussi est un mensonge social. Abuser de la crédulité des adultes également : s'ils ne croient plus au père Noël, néanmoins, ils votent,.
- On a dit que je représentais la laïcisation d'une fête chrétienne, alors que j’existais, sous des aspects divers, bien avant la naissance, comme dit Desproges, du « célèbre illusionniste palestinien ».
Or j’incarne un principe de plaisir magique plus puissant que le principe de réalité. Dans un quotidien structuré et banal j’ai toujours apporté une dimension magique dans un monde de plus en plus désenchanté
Dans une société traditionnelle baignant dans l’enchantement du monde, où les dieux et les esprits se devinent derrière chaque objet, je n’étais que l’une des figures de la magie qui baigne toutes choses.
Figure mythologique forte, médiateur entre la terre et les cieux, avatar de dieu, un Hermès dont la hotte est une corne d’abondance je permettais d’apercevoir la munificence d’un paradis comblant tous les désirs…
La laïcité interdit-elle le rêve ? Ou ne l'interdit-elle qu'à l'enfance qui se doit d'être raisonnable?
Alors les parents restent très attachés à moi : dans le bonheur de leurs enfants, ils retrouvent le leur, celui d’une croyance, d'un fantasme archaïque, en un lieu et un temps qui satisfait tout, d’un parent qui comble à jamais le manque et éteint tout désir.
Je suis le seul lien entre l'enfant rationnel créé par nos sociétés et le monde magique de l'enfance ou tout ce qui se produit est nouveau, un miracle, sans cause logique. Les adultes ont besoin de moi pour maintenir le lien de leur enfant avec l'enfance. Plus l'enfant sera considéré comme une entité sensée et indépendante, plus les adultes auront besoin de moi. Mais pas les enfants. Je crois en les adultes, je ne crois plus aux enfants.

Mais je suis tout prêt à perpétuer la tradition, à respecter les croyances de l’enfant, quand celles-là lui permettent de se construire et de faire son apprentissage, à lui  transmettre les valeurs de partage et de travail, même dans votre société financiarisée et qui rêve d’entreprises sans salariés..
J’attire votre attention sur des errements que j’ai pu constater dans vos opérations de marketing où je fus représenté avec un nez de clown, je suis très soucieux des représentations de mon image, car c’est sérieux il faut respecter les valeurs. Et surtout ne tentez plus de  me brûler comme à Dijon en 1951 sur le parvis de la cathédrale, pour fait de paganisme !!
J’ai mon alliée la Poste qui doit donner du sens, surtout pour les enfants en solitude ; mais sans l’aspect religieux mon personnage devient plus artificiel et prescripteur commercial, mais je veux continuer à rétablir la sérénité dans les familles et rendre les enfants plus sages. En fait on demande la sagesse aux enfants car les adultes n’en auraient plus la compétence.
Je m’arrangerai pour tenir l’engagements de mes transactions invisibles, mon parcours haut le pied sera millimétré tout en préservant mon habit rouge, rouge comme le sacrifice du Christ, et ma prime de panier étant insuffisante, je compte sur vous les enfants pour me sustenter en friandise, lait et toutes nourritures roboratives, que vous poserez au bord de la cheminée, votre boîte cidex à vous les enfants. N’oubliez pas non plus mes rennes qui sont au nombre de 9, le dernier attelé pour me servir de guide dans mes voyages dans le ciel, et n’hésitez pas à déposer des carottes ou tourteaux de soja afin qu’ils demeurent robustes et ne succombent pas à une quelconque fièvre, aphteuse ou acheteuse ; 
Je suis l’archétype de l’avent, celui qui  vient à l’issue d’une longue attente et non moins longue patience. Je sais qu’avant moi on a envoyé tant de courriers désespérés dont on n’attendait jamais de réponse, car nous n’avions pas alors de passeurs culturels, de passeur d’intelligence et de coeur, mais j’en  suis sûr maintenant, jamais cette lettre que vous m’envoyez aujourd’hui n’atteindra ma destination avec autant d’adresse !! J’ai entendu vos voix sans visage ! Et vous mes anciens amis, rassurez-vous,  vous serez enfin les réceptionnaires du colis dont vous aviez à grand peine arraché  le bon de livraison au prix de d’efforts terribles de vos difficiles et lointaines années d’innocence.
Pour m’adresser votre courrier, n’ayez crainte qu’il n’arrive pas car comme le Christ j’ai le don d’ubiquité ; j’ habite dans une forêt allemande, ou au pôle Nord où j’ai ma fabrique de jouets installée dans la glace, mais j’ai aussi des succursales car au pôle Nord je ne peux pas nourrir les rennes, alors j’ai des adresses CEDEX  en Finlande à Rovaniemi, à Oslo chez mes amis norvégiens, au nord – ouest du Canada et même en  Sibérie chez mon ami le père Gel tout  là-bas !! J’ai préparé un dossier pour installer mon siège principal à Strasbourg, la capitale de Noël, mais l’instruction sera longue car cette ville est toujours engluée par les batailles de siège. Quoiqu’il en soit, candidats aux cadeaux saisissez-vous d’une plume ou d’un clavier et inscrivez votre Désir afin qu’il ne vous manque plus rien, et postez votre lettre écrite, illustrée de votre main ou de collages de catalogue et la Poste fera le reste.
Cher ami, ne soyez pas surpris de recevoir une lettre du père Noël, il me fallait écrire car je me sentais las de n’avoir qu’à lire et à confectionner des colis. Signé, le Père Noël.
Faut-il en finir une bonne fois pour toutes avec la fin du monde ?
Il n’est grand empire sur notre vaste terre qui ne trouve sa fin, quand son heure est venue disait Sébastien Brant ! Où nous mènera sa nef des fous comme une arche de Noé surmontée d’une voile et d’un gouvernail à la manière d’un Armageddon moderne, vers un sanctuaire où les saints seront sans visage ? Mais pour se diriger il conviendra de tenir compte du positionnement planétaire, la planète Nibiru s’alignera avec les autres planètes du système solaire le 21 décembre 2012.
Au savoir prévoir manque désormais une promesse, jusqu’alors la promesse était celle du progrès mais qui a emmené des cataclysmes apocalyptiques de deux guerres mondiales, et donc aujourd’hui on recherche la symétrie du progrès qui est la catastrophe. La fin du monde annoncée par les chrétiens répondait à une logique, le monde créé par un dieu ne pouvait disparaître car tout ce qui a un commencement doit avoir une fin, mais cette fin ne venant pas, nous l’avons incluse dans notre immanence.
L’idée de progrès a-t-elle été abandonnée pour autant, ou alors l’avenir ouvert a-t-il été investi par la liberté ? L’avenir ne pouvait être que nécessairement meilleur, mais on semble renoncer au progrès suite à l’échec du progressisme ; Marx pensait que les crises du capitalisme généreraient un avenir meilleur par une fin du capitalisme, mais les crises sont devenues un outil de mobilisation afin de préserver le capitalisme, afin d’engager des politiques de sauvetage de l’Euro, des marchés, on cherche le salut mais de qui ? La crise doit durer longtemps pour éviter la catastrophe, mais alors comment sortir de l’alternative du salut pour sortir de la crise ou bien plonger dans la catastrophe ?
Mais que font donc les millénaristes, leur silence est effrayant ?  Ont-ils  enfin percé en eux le ridicule du prophète? Que font donc les Raéliens, les  Paco Rabane  et autres doctrinaires de la fin ? Et l’église qui se dit le fruit des entrailles de la vierge Marie,  ne lui reste-t-il  de ces entrailles que des viscères dans lesquelles elle pourrait entrevoir notre avenir, pâle figure qui me décourage de me donner encore la peine de nier Dieu, ce qui était pourtant le beau,  seul  et dernier scandale ?
Cela nous plait bien de nous créer de fausses frayeurs, de nous raconter des histoires qui nous font trembler, cela fait monter l’adrénaline avant que nous retombions dans un bienheureux état de sérénité pour cette année 2013, ce treize qui porte bonheur. Etrangement on n’envisage pas son propre anéantissement, nous nous installons plutôt à la place du spectateur et donc du survivant, et tous nos ennemis auront péri dans cette catastrophe ; Le problème est que nous sommes une multitude de petits « moi » en position de victoire d’après la catastrophe, avec la délicieuse sensation d’avoir maîtrisé la vie et la mort. Quel sera le premier jour après vous ?
Nous avons certainement tous un deuil à la suite duquel notre existence n’aurait plus de sens, et dès lors nous ne pourrions plus nous intéresser à ce qui nous entoure, tout n’aurait plus d’attrait et serait étrangement inquiétant et vide, comme anesthésiés nous souhaitons en finir mais pas seuls, de préférence avec le monde entier. Nous n’aurions pas d’autres moyens d’exprimer notre peur dans cette époque de transition, cette période de changement, cette ère qui va s’achever, alors on délaisse le drame individuel, pour une tragédie planétaire plus rassurante car nous n’y serions pas seuls. Notre fibre paranoïaque vibre, nous savons que quelque part oeuvrent les meneurs du jeu, les vrais maîtres du monde, les animateurs d’un complot planétaire ; Et si nous étions de ces maîtres du monde, de ces initiés capables de maîtriser la marche du monde, nous aurions ce plaisir narcissique des initiés, de détenir une vérité cachée au plus grand nombre. Pouvoir suprême, nous ne savons rien de nos origines mais aurions la capacité peu partagée d’en savoir la date et les modalités de la fin.
Nous croyions que les superstitions avaient vécu, mais nous savons à la manière de Paul Valéry que les vieux fantasmes religieux ont pris la précision rationnelle d’une prédiction genre Hiroshima ou Fukushima, nous sommes passés de la prophétie à l’expertise, nous sommes devenus les égaux de dieu et lui avons volé le feu pour nous autodétruire quand on le voudra. Nous vivons une crise du temps, jusqu’à il y a peu nous vivions l’expérience d’un temps cyclique ou linéaire, puis nous sommes passés au temps chronique ; nous ne nous attachons plus à traiter les problèmes avec une efficacité dans le temps, nous préférons avoir la crise permanente et comme un actuaire prévoir la posologie à vie !
Nous avions pris l’habitude de connaître des crises qui nous ramenaient à un genre de temps zéro qui augurait d’un changement et d’un renouveau ; Actuellement nous ne sommes plus que prospectifs et interdisons les situations nouvelles, nous avons un monde sans crise à attendre, c’est-à-dire un monde en crise chronique. Nous employons une stratégie de l’évitement en sortant du temps, un événement n’est plus l’aube d’une situation nouvelle mais il doit être digéré immédiatement pour ne pas créer de temps zéro, nous ne voulons plus de ces petits temps zéros, pour leur préférer un grand temps zéro qui sera plus grave.
Et pourtant qu’il est bon de réécrire en permanence le rituel actualisé de la chute, c’est même approcher de nouveau la naissance même si nous sommes dans l’automne de la vie. Nous sommes ainsi au cœur du mystère de la vie et de la mort, et soudain un temps de plus en plus neuf afflue sans cesse en direct des origines et cela autant de fois qu’on veut le vivre, à condition pour nous de retraverser la détresse originaire !! Vraiment une étrange instance où le néant appelle le vivant, toute métamorphose suppose un reconditionnement à zéro, sous réserve d’en accepter la dépression miraculeuse. Ainsi la chenille accepte de se dissoudre pour que de cette soupe primordiale naisse le papillon qui ne conservera aucun caractère de sa matrice originaire.
Nous sommes revenus au temps de Gilgamesh, de la Mésopotamie, de la Bible et de son contexte de la chute et du rachat, les dieux quelque part ont décidé de noyer les humains au motif qu’ils ne les supportent plus, et un seul survivra à cet apocalypse. Destruction de l’Humanité, voire même de l’univers à laquelle survivront certains justes. Nous sommes revenus au temps cyclique, à la fin d’un monde et non à la fin du monde, car la fin du monde serait en quelque sorte une réparation, Dieu punira  et tuera les hommes et ne fera survivre que les méritants, à Bugarach par exemple. Un sentiment s’empare de nous, d’arriver à la fin d’un cycle. Déjà en Alsace nous avons eu Luther, parangon d’une fin du monde prétexte à un renouveau politique et religieux, et certains déviants de s’autoproclamer les empereurs des derniers jours chargés de fonder la nouvelle Jérusalem !!
Et il y aura de quoi l’alimenter en matériel humain cette nouvelle Jérusalem, la société actuelle  a placé son cœur à ses marges, sa majorité en périphérie, dans une économie faite pour très peu de gens, ceux qui sont actifs sur le marché en prenant sur les autres. L’état des lieux post-Sarkozy montre que ce monde dont on craint la fin, est fait pour les riches décomplexés, la droite décomplexée, c’est-à-dire sans civilisation, qui affirme que le RSA est de l’assistanat, les Français ne sont pas chez eux ; ça fracture et ça créé des boucs émissaires, ce discours s’insinue dans la relation père-fils  et nous n’avons plus l’esprit comme tiers médiateur.
La crise de civilisation qu’on confond avec la fin du monde, c’est lorsque les interprétations traditionnelles ne donnent plus de sens, c’est une crise du paradigme culturel axé sur l’individu naturel, atoma, cette monade qui n’est plus divisible ; la révolution du monde arabe actuel suit le même chemin en mettant en cause l’Oumma qui récusait l’individualité.
Nous y sommes très accrochés à cette phase  augustinienne individualiste,  fondée sur la rationalité de l’organisation de la vie, de la force métaphysique pour fortifier l’ego avec un besoin de certitude en cherchant son Dieu toujours et jusqu’à l’illusion qu’on l’a trouvé. On croit tout pouvoir contrôler avec Newton,  quand on connait tout et jusqu’enfin à  la phase de la physique quantique.
La théorie du complot est une conséquence de cet atomo-centrisme, elle nous fait supposer qu’une mafia économique mène le monde.
 Retrouvons donc cette démocratie avec son socio-centrisme, et la joie d’aimer l’autre comme il est après notre sortie de l’ego ; mais l’ego est au centre ; on peut ne plus avoir peur de mourir ou peur de la fin du monde, si on sait qu’en Grec le mot mort se dit résurrection, alors qu’en anglais c’est brutalement « death » !
Notre existence est de moins en moins sous l’angle de la « relation », la Grèce est devenue existentielle,  et cela est devenu insupportable, le Grec a perdu la possibilité de réaliser, on est exilé de notre propre vie. Les droits de l’homme sont un leurre juridique et ne sont pas la seule base de la démocratie, il existe pourtant encore les catégories morales. La Grèce antique nommait les dieux, et le mystère vient du christianisme, il apporte le fait de communier, la communion père-fils et esprit, ce sont des qualités relationnelles qui n’ont plus trop cours.
Mais vouloir se réincarner et ressusciter, c’est accepter de porter à nouveau le péché originel alourdi d’une dette de 25.000 € par tête nouvelle à assumer pour le compte de nos prédécesseurs !! A  la culpabilité d’avoir été incarné et de porter la chair, nous devrions tuer la chair avant la mort, afin de permettre à l’âme de faire l’ange pendant que le corps ferait la bête ! Nous ne trouvons pas que  cette épreuve est déjà la fin d’un monde et nous nous faisons peur avec une pseudo fin du monde !!
Un havre nous est désigné pour cette fin du monde, Bugarach comme le Lourdes des mystiques en finitude, et prêts à une tragédie collective façon Temple Solaire, qui est un vortex, une porte vers une autre réalité. Des extraterrestres sont venus ici en d’autres temps et avant de repartir, ont transmis leur savoir aux Sumériens et aux Bugarachiens !! Quand le monde va finir selon la prophétie Maya, un vaisseau viendra chercher les élus ou plutôt les choisis.
Mais comment notre esprit fini peut-il envisager l’infini, et comment imaginer la juxtaposition du village de Bugarach demeuré vivant, et du reste du monde réduit au néant ? Quelle interface serait à même de passer de l’un à l’autre, sans compter que les paramètres sont mal définis et ne précisent pas s’il s’agit de la fin de la terre, de la galaxie ou de l’univers ?
Pour oublier que nous vivons la fin d’un monde, nous célébrons la fin du monde en 2012, et nous dansons sous les lampions de l’apocalypse !! Nous voulons vivre la peur majuscule, et tester notre capacité de désespérer pour accepter de tomber indéfiniment dans ce vertige de la fin du monde. Nous lui donnons forme, un astéroïde géant, une pandémie virale, un changement climatique, une guerre nucléaire comme dans les années 1960 mais qui a tendance à revenir des pays émergeants, et enfin le réchauffement climatique  qui est un lent suicide collectif paraît-il.  Sur le rayon des apocalypses nous avons l’embarras du choix, que nous croyons avoir déjà été enclenché depuis longtemps à l’échelle de l’univers tout entier. Au planétarium de Strasbourg écoutons les pythies nous prévoir une mutation du soleil dans cinq milliards d’années, la géante rouge aura vaporisé les océans de notre planète et nous aura grillés et par compassion de type Hulot, je m’inquiète de ce qu’elle sera au moment où elle refroidira.
La prévision nous vient du Mexique et de ses anciens Mayas, nous serions éligibles à leur almanach. Il faut dire à la décharge de ce pays qu’il a déjà connu la chute d’un astéroïde de 15 kilomètres de diamètre tombé sur le Yucatan il y a 65 millions d’années et entraîna la disparition des dinosaures ; mais ce n’était pas la fin du monde car l’astéroïde n’avait pas éradiqué toute vie sur terre, l’espèce humaine aurait toutes les chances d’en réchapper ; de même une pandémie extrêmement sévère ne pourrait entraîner la fin de l’Humanité, la diversité de nos systèmes immunitaires  est telle qu’au moins 1 % de la population résisterait à l’infection !
Quand j’étais au Mexique j’eux connaissance de ce calendrier maya à l’aura mystérieuse qui prévoyait la fin du monde pour ce 21 décembre 2012 !! Et cette année, des cérémonies ont lieu là-bas qui marquent le changement de l’ère Maya à l’issue de 5200 ans, interprété par certains comme une prophétie de la fin du monde. La presqu’île du Yucatan débute les fêtes par des offrandes au dieu Maya de la lune, Ixchel. Le calendrier Maya marque, « 4 ahau 3 kankin », qui correspondrait au 21 décembre de notre calendrier, en fait cela marque dans le calendrier maya la date de la fin d’un grand cycle.
Les Mayas ont connu une grande civilisation, leur écriture était extraordinaire et leur grande civilisation a disparu. En revanche, le «mystère» scientifique était de savoir dans quelle langue parlaient les Mayas et comment déchiffrer les glyphes de leur écriture? Que disent vraiment leurs calendriers sacrés et profanes? Cette prédiction du 21 décembre est une absurdité totale. Si vous prenez le livre de l'Américain Jose Argüelles, «le Facteur maya», publié en 1987, où les Aztèques se réfèrent à quatre fins de cycle, les Mayas à trois seulement. A la fin d'un cycle, un autre commence. Ce n'est pas une fin du monde, mais une fin de cycle. C'est-à-dire que le calendrier va recommencer de zéro, comme pour nous. Nos fins de cycles n'ont pas la même importance ni la même signification. Nous avons des cycles d'une semaine, d'un mois, d'une année, d'un siècle, d'un millénaire, il ne manque plus que des examens de fin de cycle comme des examens de conscience.
Sauf que nos cycles sont alignés sur une durée linéaire: il y a un commencement, une création du monde. On y croit ou non, mais nous fonctionnons dans un système fondé sur l'idée de création, et donc de fin. Alors que les Mayas ont au contraire une pensée parfaitement cyclique au sens où un cycle succède à un autre dans une idée d'infini. Chez les Mayas, vous avez quelques dates qui se réfèrent à des chiffres absolument ahurissants de 98 millions d'années. Pour eux, chaque fin du monde ouvre la porte à une nouvelle création et la fin du monde est une promesse de renouveau, à condition de sacrifier les bonnes victimes.
Nous ne sommes pas dans un processus de création et de destruction mais de remplacement d'un ensemble de divinités ou de pouvoirs par un autre, car les divinités ne sont pas éternelles. Le cycle va se répéter mais avec des variantes. Et on sait qu'à chaque fin de cycle un dieu qui est responsable de l'ordre du monde sera remplacé par un autre dieu qui va reprendre les choses en main et remettre de l'ordre dans le monde, mais son ordre à lui.
 Il n'y a donc pas d'explication globale de la chute de l'empire maya mais des explications au cas par cas selon les cités. Ce ne semble pas une disparition brutale et globale diligentée par une force naturelle ou des êtres venus d’ailleurs. Et puis les Mayas se sont trompés, ils ont cru voir arriver des dieux à cheval, et ils n’ont rencontrés que des espagnols qui leur ont offert la fin d’un monde, le leur. Alors parler de fiabilité des prévisions mayas !! Cela ne fait rien, une prévision fausse alimente quand même notre idéologie fin-de-mondiste.
Suicidaires de tous les pays, unissez-vous !! L’avant –garde est aux avant-postes, le dialogue de masse est rodé, et l’ironie christique nous a dotés d’internet de surcroît. Nous avons la technologie, qui est une ruse de la déraison pour tromper l’esprit, la philo-folie ou la folie individuelle sont mises en réseau.  Pour tout détruire il faut synchroniser et nous en avons les moyens. 
Notre temps est celui des catastrophes, demandez donc à Virilio, le plus urgent pourtant n’est pas d’éviter la fin du monde mais de repenser et de réinvestir le monde de manière nouvelle. Après la fin du monde, car elle a déjà eu lieu même si nous ne nous en sommes pas rendu compte !! Dans notre société scientifique, la peur apocalyptique a encore cours, avec cette révélation qu’après ce serait la justice ; ce sentiment demeure, il est lié à la crise économique et écologique, avec la crainte de la disparition de l’homme et de l’écosystème, mais ce n’est plus l’apocalypse  c’est réellement une catastrophe !! Il y a deux sens du mot fin du monde, il ne faut pas l’oublier!!
La fin du monde a déjà eu lieu car au 17 et 18ème siècle, la modernité liée à l’effondrement d’un monde ancien sous l’égide de  la Providence divine, demandez à Baudelaire  qui va nous en parler après; Au 17 ème siècle on avait une vision du monde au sens d’une unité ou d’un cosmos, puis cela a périclité, effondrement des certitudes, Descartes a douté  et c’est devenu un rapport inquiet au monde dont on doute, on a inventé des rapports au monde nouveau qui n’est plus géré par dieu, et le progrès est une catégorie de consolation, l’avenir est ouvert et non plus décidé par dieu et sa transcendance. Vivre après la fin du monde, demain sera pire qu’hier, donc il faut inventer autre chose. L’ordre du cosmos s’est effondré au 17 et 18 ème siècle avec la Révolution. Nietzsche a annoncé la morte de dieu avant que ce dernier n’annonce la sienne.
Ne faisons pas la fine bouche sur celle de l’an Mille des millénaristes, le ciel s’était assombri et on avait retiré l’échelle du ciel, un grand vide  entoura nos aînés, la foi fut exaltée comme un saut inexplicable vers un Absolu désormais caché ! En voilà une belle fin d’un monde !! Le monde devint le lieu d’un langage intransitif dressé à sa verticale. Des prophètes de rencontre se voulaient  des disciples de St Jean, qui à force de chercher le commencement de l’Univers, entrevoyaient sa fin, mais se heurtaient au problème de l’ordre de l’imprévisible, de l’événement, de l’inepte.
Avant, nous avions le héros tragique, avec la nécessité de la catastrophe, utilisée au théâtre, moment d’extrême violence du dénouement. Le monde n’a un commencement que s’il a une fin, pour les Mayas le monde était cyclique et donc pas question de fin du monde, on commençait un nouveau cycle, au contraire avec les religions monothéistes. Un malheur peut s’abattre sur Antigone, c’est le destin et la nécessité ; on parle de fin du monde quand un monde n’est plus le cosmos, alors on trouve des personnages de roman sans transcendance comme Don Quichotte avec Cervantès, le destin n’existe plus, la rencontre de l’individu et du monde n’est plus donnée à l’avance, il faut l’investir même avec du ressentiment contre ce monde qui n’a pas reconnu tel ou tel homme.
Il y a sécularisation du rapport au monde contingent, ce rapport peut être ou ne pas être, ou être différemment, fragilisation du rapport au monde, tel l’entrepreneur ou l’artiste qui tentent de faire s’adapter le monde, le plier à leurs exigences ; l’entrepreneur invente et modifie, il y a instabilité du rapport  entre individus  avec des changements en permanence, pas d’ordre installé pour cet entrepreneur sans monde ou dans un monde qui est à refaire en permanence.
On doit différencier vie et monde, Anders repense le monde après Hiroshima, le monde peut disparaître, une véritable transformation historique avec un changement de tous les concepts, il ne faut plus transformer le monde mais le préserver ce monde avec l’écologie, et il faut renoncer au progrès moral et politique ; on doit envisager le monde sous l’angle de la catastrophe, et faut préserver le temps, avoir un nouveau rapport au temps ; notre salut commande que les choses survivent, comme les régimes de retraite, on doit réduire les enjeux politiques à de la survie de tout ! La vie veut la vie et elle se survit à elle-même et donc la vie serait une norme en soi mais est-ce une norme politique ?
Si la préservation est une norme, la défense de la vie est de retrouver le cosmos ; si on veut transformer la vie c’est une menace sur la reproduction de la vie, on veut faire de l’immunité avant que le virus arrive, faire une réponse à la menace avant qu’elle n’arrive. L’immunité contre la fin de la vie certes, mais nous sommes ouverts à la transformation. Avec notre volonté de préserver le monde sans plus le transformer, nous pourrions dorénavant nous entretenir facilement avec un prêtre maya, un prêtre égyptien ou grec, car nous voulons que la terre soit et demeure à l’image du cosmos qui la surplombe.
Nous devons accepter l’incertitude, il faut accepter la fin du monde, c’est le thème du film « Mélancholia », souvenez-vous,  avec l’image de la cabane qui fait « monde » pour se protéger de la fin du Monde. Il ne faut pas grand-chose pour faire un monde. Dans ce film la folle sait que la fin du monde est arrivée et qu’elle peut vivre dans cette cabane magique, c’est-à-dire un monde quand il n’y a plus rien à faire ; souvenez-vous aussi du  film « Shame », c’est la monstration de l’absence de monde, le trader qui n’a pas de monde, un appartement sans aspérités, il n’aime pas la nouveauté et il rationalise même l’amour, mais il rencontre une femme en chair et en os et c’est la nouveauté, mais il ne sait pas percevoir l’altérité ; ne pas laisser place à l’indéterminé c’est cela la catastrophe, et l’apocalypse c’est la mort égalitaire au contraire de la mort personnelle de chacun.
Finalement l’apocalypse c’est le combat entre le diable qui est dans le monde, le mal, contre le Messie qui veut advenir. Mais quiconque verrait les avatars descendre du ciel les tirerait comme un vol de cigognes en partance de migration, il ne fait pas bon pour qui apporte la Bonne Nouvelle !!
Souvenons-nous encore du tremblement de terre en Haïti,  à ces gens, ce nuage dans le ciel tout à l’heure c’était la poussière de leurs rêves, à ces habitants qui nous ont arraché l’indépendance en 1804 en chantant la Marseillaise. Ils savent écrire pour ne pas paniquer et devenir invisible. Ils n’ont pas su prévenir l’intervention archaïque des dieux, peut-être la faute à leur Vaudou inopérant, et ils se retrouvent nus après la perte du vernis de la civilisation, toute la culture semble disparaître, on doute de la terre après avoir douté du ciel, on se sentait pourtant appartenir au cosmos et plus à une culture. Une leçon pour nous à vouloir réfléchir le cosmos sans plus vouloir transformer notre monde.
Vous avez cru les voir à la télévision, mais vous n’avez pas vu la normalité de leur vie qui échappe aux caméras, une manière bien à eux de faire face au malheur ;  ça reste humain cependant malgré le contact de ce malheur indescriptible. La télévision montre l’extérieur mais tentez donc de percevoir  l’intérieur, une sobriété réduite à l’essentiel des rapports humains tournés vers l’aide, tous sont parents car le lieu a été éliminé, ils sont en utopie désormais, ce qui compte c’est ce qui est dans le moment, comme une  promenade délirante au milieu des corps et de la poussière.
Tout à coup là-bas, personne  ne se sentait plus le plus légitime, ni  le plus riche. L’argent ne servait plus à rien, mais chanter pour tenir le drame à distance. Le séisme avait tout changé, les fils ont été rompus, le truand sauve des vies, et le moindre passant semble proche. Les survivants sans abri ont redécouvert la nuit avec ses étoiles, nos intellectuels redécouvrent l’art haïtien, la peinture la musique, la littérature ; Malraux avait demandé pourquoi les Haïtiens regardaient Braque et même faisaient du Braque, c’est naturel et c’est la voix du peuple. La peinture primitive sans point de fuite et sans profondeur, mais est-ce que cela seul est vrai ? Un seul plan qui veut entrer en vous et non qui invite le spectateur à entrer dans le tableau. Voilà tout simplement la fin d’un monde où nombre de valeurs sont renversées, les perspectives ont été inversées, et il n’est point besoin de fantasmer une fin du monde artificielle, mercantile pour faire de la twittérature.
J’appelle maintenant Charles Baudelaire à la rescousse, lui qui prédisait déjà que le monde allait finir.  L’art philosophique  que nous besognons dans notre café philo, c’est pour faire manifester les choses dans le langage avec les concepts philosophiques, mais avec des éclairages artistiques, n’oublions jamais de penser avec la poésie !
L‘œuvre de Baudelaire, très belle évidemment, a été créée au moment de l’installation du capitalisme, et la poésie à quoi ça sert face au capital qui ne demande qu’à s’accumuler comme un produit de la sueur des autres ? Rilke, Hölderlin, Mandelstam ça jette non? Baudelaire fait une poésie pensante comme un théoricien, pas seulement une poésie oraculaire mais aussi éclairante, à l’épreuve de la vérité comme René Char le résistant. Baudelaire veut une poésie moderne confrontée avec le moderne, dont le mal qu’il nous sert en bouquet de fleurs fait naturellement partie, c’est l’ère de la mécanisation et de la foule. Donc penseur de son temps et créateur, colérique et méchant ; le monde va finir, devenir industriel, le désordre dans la filiation c’est no-poétique et donc ça va finir, c’est l’envers des fleurs du mal.
Pour Walter Benjamin, la poésie est pur langage en référence au texte biblique, toute réalité se manifeste par son essence spirituelle ; le Paradis c’est quand il n’y a pas de séparation entre les choses et le langage. Adieu toute médiation et toute trahison du réel par nos représentations issues du langage!!
Nous avons peut-être cru en cette fin du monde du 21 décembre 2012, nous devrions apprécier le poème par Baudelaire, c’est l’expérience de la finitude que tout texte essaie de nommer. La « passante » n’est pas nommée, « un éclair puis la nuit », il la capte par le regard poétique, comme un peintre, une captation charnelle de ce qui a apparu puis s’est évanoui, mais c’est accepter le réel,  finalement même la réalité du sentiment amoureux.
Prédécesseur de Baudelaire était Alan Poe ? Baudelaire, lui, fait irruption, il connait Platon, Pascal, il mélange le style journalistique prosaïque et le style racinien, il veut créer un nouveau classicisme. Baudelaire a de la tenue avec des préceptes à la Marc Aurèle et il est même stoïcien. Baudelaire c’est un événement, on ne peut pas le déduire. Le monde va finir, c’est-à-dire qu’on va vers un monde sans poésie et décadent, mais pour qu’existe un monde il faut de la réalité mais il faut aussi de l’imprévu, pas seulement du déductible, faut de la distance entre la terre et le ciel, quand la poésie n’existera  plus et sera transparente sans que le langage ne subsiste compliqué, et fait d’imprévisibilité. La poésie est ce qui ne finit pas, comme la passante du poème qui n’en finit pas d’arriver, sinon il n’y aurait plus de monde.
Chez Baudelaire il y a le christianisme !! Rien ne l’a encore remplacé comme vitalité, on s’est rabattu sur le Mal mais hissé aussi vers le Bien en même temps. La prophétie, le monde va finir, la poésie est une prophétie, autre chose que ce qui est, le temps est de l’instant puis disparaît, mais avec  la philosophie ne disparaît pas tout à fait, comment faire de l’événement ?
Platon péjorait la poésie, ce n’était qu’une assomption au temps et à l’espace présent, mais avec une absence de sens auquel la philosophie devait suppléer et donner le sens  et l’éternité. Merci Baudelaire, ta passante n’a pas fini de passer ni le monde de cesser de finir ! Mais nous voulons aujourd’hui agir en expert et non plus en prophète.
Posséder la science d’une théorie des âges, une intuition des cycles d’évolution, peut-être est-ce une transposition des âges de notre pauvre vie individuelle, où la longueur de nos cycles  semble décroître à mesure que nous vieillissons. C’est l’idée de la captation psychologique du temps qui accélère quand on prend de l’âge, on voit défiler plus rapidement les années, par opposition à l’enfance où les temps semblent plus longs.
Je tente de me faire peur en intégrant la possibilité d’une fin du monde ou de la fin d’un cycle, mais je n’y parviens pas et je reste serein pour deux raisons ; la première est liée aux cycles et à leur durée, car les Mayas parlaient de 93 millions de temps cyclique pour un temps qui est pourtant infini ! La deuxième tient à la tradition indienne où je me rends compte que le cycle comprend quatre âges pour un total de 4.320.000 années !! Sans compter ce temple des millions d'années sur la rive occidentale de Thèbes qui me donne le même horizon que les dieux. Alors s’il y a une dissolution en fin de cycle, point me chaut, et qui pourrait prétendre à épuiser le temps et l’espace qui sont en perpétuelle expansion, même pas les dieux qui ne sont pas éternels en raison des créations et destructions cosmiques qui se poursuivent à l’infini ; alors, moi, poussière d’Humanité, comment pourrais-je me confronter à l’infini, même si le temps patine et s’use vers la fin de l’infini, il se régénérera bien même si c’est sans moi !!
J’ai même téléphoné à Hubert Reeves qui m’a informé que l’univers n’est vieux que de 15 milliards d’années, et la terre de seulement 4.5 milliards d’années. L’univers est donc encore jeune et n’aurait apparemment pas encore parcouru la moitié de son existence ! Le monde aura encore de belles alternances d’hiver et de renouveau, alors que ma conscience rejoindra bientôt la matière dans une pirouette d’involution, je ne sais même pas si j’atteindrai le maximum de pouvoir matériel, ni si je serai témoins de ma phase d’évolution future, où mes facultés spirituelles seront de moins en moins occultées par cette gangue de matière dont tout procède, afin de revenir en réincarnation dans une forme. Je n’ai pas les clés du trousseau  du Jugement dernier, ni ne maîtrise mon karma, et je ne veux pas par dépit souhaiter la fin du monde pour que tous sombrent en même temps que moi !! Mais en Antoine Blondin cosmique je suis sûr que tous se précipiteront dans le peloton de tête et que chaque suiveur sucera la roue du Dharma ou du Samsara dans des échappés vers les podiums du néant. Le destin a plusieurs tours dans son sac !!
Après 250 fins du monde annoncées et peu avérées, il serait temps de produire un vade- mecum, un viatique pour la fin du monde, un genre de « La fin du monde pour les nuls », notamment que tous ceux qui conjecturent, prévoient, et modélisent, cassent une bonne fois pour toutes l’imprévu, et nous donnent une grille de lecture afin de reconnaître le passage d’un cycle à un autre, en nous calculant des « Pi » à 15 ou 16 décimales après la virgule.
Je peux en l’état de mes réflexions, vous donner une clé, elle est dans ce paragraphe du début du texte que par paresse je reproduis ici « L’état des lieux post-Sarkozy montre que ce monde dont on craint la fin, est fait pour les riches décomplexés, la droite décomplexée, c’est-à-dire sans civilisation, qui affirme que le RSA est de l’assistanat, que le travail n’a qu’un coût et ne produit pas de richesse, que les Français ne sont pas chez eux, que la princesse de Clèves de madame de Lafayette ne vous servira pas pour votre contrat de travail de misère octroyé et à rupture faussement conventionnelle; ça fracture et ça créé des boucs émissaires, ce discours s’insinue dans la relation père-fils  et nous n’avons plus l’esprit comme tiers médiateur ».
Le monde va donc finir, la seule raison pour laquelle il aurait pu durer, était qu’il  existait. Qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel, dites-moi donc ? Nous nous posons en nouvelles victimes des inexplorables lois morales, et nous périrons par où nous avons cru vivre. Le peu qui restera de politique après Sarkozy se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale. La « Maison de l’Histoire » n’aura pas lieu, la ministre Filipetti l’a déclaré, et il ne s’agit pas  par là d’une prophétie contre l’histoire qui véhiculerait un travail de vérité. C’est que les hommes estiment manifestement à tort qu’ils sont sujets de  l’Histoire et croient qu’ils  commandent, et elle serait exclusivement l’effet conjugué de leur volonté ! Et vlan ! Baudelaire rabat donc les hommes sur leur inexorable nature ! Mais je me console,  la nature des hommes je ne sais pas ce que c’est.
Nous changeons de cycle mais dans un grand bond en arrière, nous apprenons à remonter le temps ! La fin du monde n’est peut-être finalement que ce désir de retour à l’âge d’or originel. Gérard C……FIN (Fin de texte et non pas fin du monde !!)